Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
SOUVENIRS D’UN PAGE.

précipite pour le voir de plus près ; les cris, les battements de main redoublent avec une nouvelle ardeur, et ne cessent que pour recommencer encore. Jamais, dans les circonstances les plus belles de son règne, le monarque n’avait été l’objet de transports d’amour aussi touchants. Une voix s’élève pour proférer le cri de : Vive la nation ! Ce cri est accueilli par des huées répétées, et l’amant de la nation se dérobe bien vite à la honte qu’on lui prépare. On crie avec un égal enthousiasme : Vive la reine, vive le dauphin ! La reine, alors, élève son fils dans ses bras. Avec cette aimable figure qui portait déjà dans un âge si tendre l’empreinte du malheur, il répond au peuple par des sourires gracieux et des saluts enfantins. Mais l’humidité le pénètre ; sa mère l’enveloppe de son châle, et ce tableau de l’amour maternel, dans la grandeur et la pompe des rois, redoubla les transports de la multitude. Les yeux sont baignés de larmes, et tout le peuple est ému. Louis XVI, pendant quelques heures, redevint l’idole de ses sujets, le maître de son empire. Les factieux se dérobaient aux remords qui les poursuivaient ; le côté gauche de l’Assemblée nationale, honteux de voir échouer ses sinistres projets, s’était réfugié avec son chef, le duc d’Orléans, à l’extrémité de la tribune. Necker regardait de derrière un lambeau de tapisserie, tandis que, au pied du trône, se tenaient les plus fidèles amis de la monarchie : Cazalès, l’éloquent abbé Maury, le brave vicomte de Mirabeau, le dernier des chevaliers français.