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SOUVENIRS D’UN PAGE.

avec la reine, et même avec la comtesse d’Artois, sa sœur, dont toute l’affection était concentrée sur ses enfants, Madame vivait solitaire, passant presque tout son temps dans son délicieux jardin de Montreuil, où la beauté des arbres s’unissait à celle des eaux et à l’élégance des fabriques ainsi que de l’ameublement, pour en faire la plus agréable habitation. Madame s’y occupait de tous les détails de la vie champêtre et y oubliait la gênante étiquette de la cour. Après avoir visité sa petite ferme, ses animaux, son jardin, elle revenait à Versailles avec d’énormes bouquets de fleurs et tous les petits oiseaux qu’elle avait pris au filet. Ces derniers étaient destinés à une soupe qu’on préparait, non dans ses cuisines, mais dans ses appartements, où une de ses femmes n’avait pas d’autres soins. Madame, par faveur, offrait de ce délicieux potage, plus assaisonné par l’idée que par tout ce qui le composait, aux membres de la famille royale qui, tous les soirs, à neuf heures précises, se réunissaient chez elle pour le souper. Chacun y faisait porter ses mets, auxquels on mettait la dernière main dans de petites cuisines à portée de l’appartement de Madame, qui était situé à l’extrémité de l’aile gauche du château, du côté de l’Orangerie, sur la rue de la Surintendance.

Monsieur occupait l’étage supérieur.

Il est né le 17 novembre 1755. C’est donc à quarante ans que sa triste étoile l’appela aux prétentions d’un trône qu’il paraît destiné à n’occuper jamais.