M. le duc d’Orléans, qui depuis a joué un si triste rôle dans les événements de la Révolution, n’était encore connu alors que par des mœurs désordonnées, ses prodigalités et son immense fortune. Malgré le masque peu attrayant de pustules sanguinolentes dont son visage était couvert, on eût difficilement rencontré un port plus noble, une tournure plus leste, un abord plus prévenant, une conversation plus agréable. Sa toilette, toujours recherchée, se distinguait d’ailleurs par quelques nuances particulières ; on y voyait dominer certains goûts étrangers que le prince puisait dans ses voyages en Angleterre, et qui paraissaient surtout dans ses équipages.
Personne n’eut jamais une fortune plus brillante, une position plus indépendante. Cette position était préférable, sans contredit, à celle de tous les membres de la famille royale ; et sans les haines et les passions qui fermentaient dans son cœur, le duc d’Orléans eût pu être l’homme le plus heureux du royaume. Je ne saurais dire si ces sentiments étaient, chez lui, la suite d’un amour-propre froissé par le refus qui lui fut fait de la place de grand amiral et par la rupture du projet de mariage de sa fille avec le duc d’Angoulême, ou s’ils étaient le fruit d’une ambition effrénée. Toujours est-il qu’on vit rarement la vengeance poussée à un tel degré de fureur.
Si le duc d’Orléans a manqué d’énergie dans certaines circonstances qui pouvaient le conduire au trône, on peut dire qu’il ne manqua point de courage