Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quine et misérable existence… Si je ne me trompe, tu parlais tout à l’heure de trouver à emprunter cent francs…

— Oui, et j’allais même y revenir, car la conversation nous a entraînés, je ne sais comment, à nous occuper de Paillon, des instincts, de Dieu et de l’humanité, et…

— Et tu aimerais mieux faire la connaissance d’un usurier…

— Vous l’avez dit.

— Ah ! ah ! je devine les pensées, j’ai l’habitude des âmes… Mais tu n’es pas sans avoir appris, mon cher Jacques, que l’usurier est au jeune homme ce que la pieuvre est à l’imprudent nageur et le fourmi-lion à l’insecte égaré, tu n’ignores pas que l’argent est devenu très cher et que la loi protège, de son égide vénérable, le vingt pour cent à trois mois.

— Je le sais.

— Tu le sais, enfant, et tu veux emprunter !… Et je t’approuve. Car tu montres ainsi une âme à l’épreuve de la crainte et tu es décidé à payer n’importe à quel prix futur la satisfaction d’un de ces instincts sacrés dont nous parlions tout à l’heure… Je t’approuve, et si je pouvais moi-même trouver ce soir un nouvel usurier, un usurier inconnu, arrivé ici de la veille et qui ne saurait rien sur la situation financière de personne, j’irais m’y adresser pour mon compte. Mais, par malheur, je les connais tous, et ils me connaissent tous.

— Alors ?

— Mais je puis te présenter, je puis leur parler de toi, non pas directement, car ils ne voudraient point me recevoir, mais au moyen d’un intermédiaire discret, comme… J’ai ce qu’il te faut… Tu connais bien madame Verrière ?…

— Cette grosse dame…

— Cette grosse dame que tu as vue une ou deux fois