Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/178

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chiens, l’épicier, le commis-voyageur, l’orfèvre et le marchand de bouchons, dont les stations diverses dans certains cafés de la ville et la perte de leur temps avaient dû sans doute être rémunérées par la différence de cinquante à cent soixante-dix-neuf, quatre-vingt. Il n’avait non plus aucune objection à ce que M. Gripenberg retirât un bénéfice honnête d’une transaction pour laquelle aucune garantie sérieuse ne lui était présentée. Enfin, il ne pouvait pas davantage songer à priver de récompense la courageuse et dévouée négociatrice qu’il avait là, devant lui, assise dans sa robe noire et souriant avec tant de bonté.

Il signa le billet et reçut de Madame Verrière l’assurance aussi formelle que verbale qu’il ne serait point inquiété au cas improbable, où le vingt-et-un avril, il éprouverait des difficultés à se libérer, car elle tenait prêtes, pour aider son jeune client, mille ressources, dont la plus anodine était un renouvellement à trois mois en doublant la valeur du billet, et la plus sûre un chantage organisé contre M. Gripenberg, dont elle savait tout de même bien des choses. Puis il la remercia, lui jura une reconnaissance durable et se retira, serrant avec son coude replié contre sa jaquette le portefeuille où la coupure de cinquante francs, si chèrement achetée, dormait, en attendant la suite de sa destinée errante de billet de banque.

Comme il était trop tard pour songer à la recherche d’un logis amoureux, Jacques remit au lendemain matin cette séduisante occupation et rentra chez lui, sans se presser, goûtant un bonheur qu’il ignorait depuis de longs jours : celui de flâner. On était au sept mars, et la ville pressentait l’approche du printemps, déjà. Il faisait doux et moite d’une récente ondée. Les trottoirs semblaient de laque sous les lueurs qu’y projetaient les flammes des lampadaires et l’illumination des boutiques. La rue Saint-Ferréol,