Tenez, je me fais un malin plaisir de vous voler à lui. Dansons-nous ?
Il eut une minute d’admiration sincère. Son amie Juliette était bien jolie, dans sa robe simple. Longue et fine, avec ses beaux yeux noirs brillant dans sa figure mate et blanche, sous l’abondance pesante de ses cheveux sombres. Elle sourit encore et toucha son faux-col.
— Vous me feriez honte, dit-elle.
Jacques se tâta le cou.
Après douze valses, son faux-col était une loque de linge plus molle encore que sa cravate blanche. Il s’excusa :
— Cinq minutes, dit-il et je reparais. Attendez-moi.
Il se mit à la recherche d’une chambre déserte afin de changer de faux-col. Il en avait deux dans sa poche pour parer à toute éventualité.
Après avoir traversé diverses chambres à coucher, un petit salon et divers corridors, escaliers et passages, il se trouva, sans trop savoir comment, dans un cabinet de toilette, blanc comme l’intérieur d’une boîte de porcelaine où se serait débattu le phalène de flamme, mais immobile, d’un bec de gaz abandonné.
Jacques eut immédiatement l’envie de rester là. Lâcher le bal, les amis, Juliette et sa tristesse, et tout, et s’asseoir devant ces robinets de nickel, faire une petite retraite, oublier le monde, ses misères et rêver…
Hélas ! il est trop vrai qu’un cabinet de toilette n’est pas sensiblement différent de tout autre décor de l’univers. On ne peut le goûter, le saisir, qu’à condition d’y passer vite, sauf à faire jouer plus tard, pour s’exalter, les grandes eaux du regret et les feux d’artifices du souvenir… Lorsque en effet, assis devant les robinets de nickel, Jacques se fut disposé à penser à son Moi en y trouvant tout le plaisir possible, il était déjà trop tard. Aucun mystère