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XXVI FRANCISCO DE HOLLANDA

Qui a lu ces entretiens ne l’imagine guère ailleurs que dans la petite église de Saint-Sylvestre, écoutant avec un respect avide la parole du Maître et les répliques de Vittoria Colonna, tâchant de graver en sa mémoire non seulement les idées qu’ils expriment, mais jusqu’à leurs mots, leurs locutions, leurs images familières.

Michel-Ange était alors à l'apogée de son génie et de sa gloire ; il avait exécuté la plupart de ses grands travaux : comme peintre, la voûte de la Sixtine ; comme sculpteur, le Moïse, les tombeaux des Médicis. A peine élevé au pontificat, Paul III, escorté de dix cardinaux, venait de lui rendre visite en son logis et de le nommer architecte, sculpteur et peintre du Vatican. A l'époque même où Francisco recueillait les Dialogues, Michel-Ange peignait la fresque du Jugement Dernier. Ces dimanches de Saint-Sylvestre étaient pour son énergie formidable le seul repos de toute une semaine de labeur et de solitude. Les idées qu’il y énonçait, peut-être les avait-il ruminées pendant six jours, dans le silence, sur son échafaudage, en face de son peuple d’élus, de damnés, d’anges, de démons et de saints, sous le regard de sa douce Vierge qui se blottit, sous la menace de son Christ qui foudroie. Sa pensée nous a été transmise à l’heure même où bouillonnait en elle la conception la plus colossale que peintre ait jamais osée.