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APOS — 81 — APUL


VII, 6 ; Tertullien, de Anima, 14. Ménage, dans ses Observationes in Diogenem Laertium, VII, 92 ; rapporte en l’approuvant une conjecture gratuite, suivant laquelle ce philosophe serait le même que le médecin Apollophane, cité par Pline l’ancien, XXII, 2, par Celse, V, 18, et par Polybe, liv. V.

X

APONO (Pierre d’), médecin et philosophe très-renommé de son temps, naquit en 1250 ; dans un village des environs de Padoue, qui s’appelle aujourd’hui Abano : de là le nom de Pierre d’Abano. généralement adopté par les biographes moaernes. Après avoir fait à l’Universite de Paris de brillantes études et s’y être signalé déjà par la variété de ses connaissances, il alla s’établir à Padoue, où il exerça la médecine avec beaucoup de succès et, il faut ajouter, avec un grand profit ; car on dit qu’il mettait ses soins à un prix exorbitant. Très-passionné pour tout ce qu’on nommait alors les sciences occultes, il consacrait tous les loisirs que lui laissait l’exercice de son art, à la physiognomonie, à la chiromancie, à l’astrologie, ou plutôt à l’astronomie, comme le prouve la traduction des livres astronomiques d’Aben-Ezra. Il ne resta pas non plus étranger à la philosophie scolastique et arabe, et son principal ouvrage (Conciliatio differentiarum philosophicarum et prœcipue medicarum), le seul qui puisse être cité ici, a pour but de concilier entre elles les principales opinions des philosophes, et surtout des médecins. De là le nom de conciliateur (conciliator), sous lequel les écrivains du temps le désignent ordinairement. Apono ne fut pas plus heureux que Roger Bacon et d’autres hommes de la même trempe d’esprit. Traduit devant le tribunal de l’inquisition, sous l’accusation de sorcellerie, il n’aurait probablement pas échappé au bûcher, si la mort ne fût venue le surprendre au milieu de son procès, en l’an 1316, au moment où il venait d’atteindre l’âge de soixante-six ans. Mais l’inquisition ne voulut pas avoir perdu ses peines ; elle brûla publiquement son effigie à la place de son corps, que des amis du philosophe avaient soustrait à cette infamie. L’ouvrage d’Apono, que nous venons de citer, a été imprimé avec ses autres œuvres, à Mantoue en 1472, et à Venise en 1483, in-f°. Voir Bayle, Dict. crit., art. Apono, et Naudé, Apologie des grands hommes.

À POSTERIORI, À PRIORI. De ces deux expressions, unanimement adoptées par la philosophie moderne, la première s’applique à tous les éléments de la connaissance humaine que l’intelligence ne peut pas tirer de son propre fonds, mais qu’elle emprunte à l’expérience et à l’observation des faits, soit intérieurs, soit extérieurs ; par la seconde, au contraire, on désigne les jugements et les idées que l’intelligence ne doit qu’à elle-même, qu’elle trouve déjà établis en elle quand les faits se présentent, et qu’on a appelés, avec raison, les conditions mêmes de l’expérience ; car, sans leur concours, la connaissance des objets serait absolument impossible. Ainsi, on dira de la notion de corps qu’elle est formée a posteriori, tandis que l’idée d’espace existe en nous a priori. Mais en même temps l’on conçoit qu’en retranchant celle-ci, la première est entièrement détruite ; car, si l’espace peut exister sans corps, il n’y a pas de corps sans espace, c’est-à-dire sans étendue. Une connaissance a posteriori est tout à fait la même chose qu’une connaissance acquise. Mais a priori n’est pas synonyme d’inné : les idées innées étaient regardées comme indépendantes de l’expérience ; les idées a priori, encore une fois, sont la condition et se manifestent à l’occasion


de l’expérience. Voy. Idées, Intelligence, Expérience.

APPÉTIT (de appetere, désirer). Par ce mot, la philosophie scolastique n’entendait pas uniquement le désir proprement dit, mais aussi la volonté ; seulement on établissait une distinction entre l’appétit sensitif (appetitus sensitivus) et l’appétit rationnel (appetitus rationalis), qui, éclairé par la raison, nous rend maîtres de nos passions animales. Le premier se divisait à son tour en appétit irascible et appétit concupiscible, c’est-à-dire la colère et la concupiscence. Cette confusion de la volonté et du désir remonte à Aristote, qui, lui aussi, comprenait ces deux faits de l’âme sous un titre commun, celui d’όρεξιζ ou d’όρεκτικόν, qu’on ne saurait traduire que par appétit (de Anima, lib. III, c. ix). Aujourd’hui ce terme n’a plus d’autre usage, en philosophie, que de désigner les désirs instinctifs qui ont leur origine dans certains besoins du corps, à savoir celui de la nutrition et de la reproduction. Le mot désir, appliqué aux mêmes choses, écarterait l’idée d’instinct et ferait supposer une certaine influence de l’imagination.

APPÉTITION. Ce terme est fréquemment employé par Leibniz ; il prétendait que tous les êtres qui composent la nature, toutes les monades sans exception, sont doués de deux qualités essentielles : 1° la représentation, qui est la forme la plus humble de la sensibilité et de l’intelligence ; 2° l’appétition, qui est une tendance a l’action et la première ébauche de la volonté. Voy. Leibniz.

APPRÉHENSION (de apprehendere, saisir ou toucher). Ce terme a été emprunté par la scolastique à la philosophie d’Aristote. Il est la traduction littérale du mot θίξις ou θίγειν, consacré par le philosophe grec à désigner les notions absolument simples qui, en raison de leur nature, sont au-dessus de l’erreur et de la vérité logique (Metaph., lib. IX, c. x). En passant dans la langue philosophique du moyen âge, il perdit un peu de sa valeur primitive ; il servit à désigner, non-seulement les notions simples, mais toute espèce de notion, de conception proprement dite, qui ne fait pas partie et qui n’est pas le sujet d’un jugement ou d’une affirmation. Enfin, accueilli dans la philosophie de Kant, il subit une nouvelle métamorphose ; car dans la Critique de la raison pure, on donne le nom d’appréhension à un acte de l’imagination qui consiste à embrasser et à coordonner dans une seule image ou dans une conception unique les éléments divers de l’intuition sensible, tels que la couleur, la solidité, l’étendue, etc. Mais comme il y a, selon Kant, deux choses à distinguer dans l’exercice des sens, à savoir : la sensation elle-même et les formes de la sensibilité, représentées par le temps et par l’espace, il se croit obligé d’admettre aussi deux sortes d’appréhension : l’une empirique, qui nous donne pour résultat des notions sensibles ; l’autre a priori, appelée aussi la synthèse pure de l’appréhension, qui nous fournit les notions des nombres et les figures de géométrie. Aujourd’hui, tant en Allemagne qu’en France, ce terme est à peu près abandonné.

APULÉE (Lucius Apuleius ou Appuleius) naquit à Madaure, petite ville de la Numidie, alors province romaine, 120 ans environ après J. C. Après avoir fait à Carthage ses premières études, il alla compléter son éducation à Athènes, ou il fut initié à la philosophie grecque, principalement au système de Platon. D’Athènes, il se rendit à Rome, apprit sans maître la langue latine, et remplit pendant quelque temps la charge d’intendant. Mais la mort de ses parents


dict. philos. 6