Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/1094

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MERS
MÉTA
— 1088 —

le concevoir, l’accomplir et l’aimer. Consultez : Platon, Gorgias ; — Th. Reid, Essai V sur les facultés actives de l’homme ; — Th. Jouffroy, Cours de droit naturel, 2e et 3e leçons. G. V.

MERSENNE (Marin), né au bourg d’Oizé, dans le Maine, en 1588, mort à Paris en 1648, appartient à l’histoire de la philosophie, non pas tant par les écrits qu’il a laissés, que par les services qu’il a rendus à la philosophie cartésienne, dont il était un des plus zélés partisans. Il finissait ses études à la Flèche quand Descartes y commençait les siennes ; mais, malgré la différence des âges, une liaison d’amitié se forma dès lors entre eux, qui ne fut dissoute que par la mort. Ce fut Descartes qui survécut et qui pleura amèrement son cher Mersenne. Mersenne réunissait à une piété profonde un goût non moins prononcé pour les sciences. Il entra chez les minimes et y enseigna la philosophie, mais ne publia guère que des ouvrages de mathématiques, de physique et de théologie. C’est par ses actions, et non par ses écrits, qu’il doit être compris au nombre des soutiens et des propagateurs du cartésianisme. D’abord il eut le bonheur de retirer Descartes de la dissipation et de le rappeler à sa vocation de philosophe. Il fut comme le tuteur de sa première jeunesse. Plus tard il le fit connaître, le défendit contre des attaques passionnées et le servit de toutes les manières. Il se chargea pour lui d’une foule de soins ; il le mit en rapport avec un grand nombre de savants, lui communiqua leurs observations, leur transmit ses réponses, fut son correspondant assidu, et veilla au besoin à l’impression de ses écrits. Voici le portrait que fait de lui Baillet dans sa Vie de Descartes : « Mersenne était le savant du siècle qui avait le meilleur cœur : on ne pouvait l’aborder sans se laisser prendre à ses charmes. Jamais mortel ne fut plus curieux pour pénétrer les secrets de la nature et porter les sciences à leur perfection. Les relations qu’il entretenait avec tous les savants l’avaient rendu le centre de tous les gens de lettres : c’était à lui qu’ils envoyaient leurs doutes pour être proposés, par son moyen, à ceux dont on attendait les solutions ; faisant à peu près, dans la république des lettres, la fonction que fait le cœur dans le corps humain. » Cependant, il n’était pas sans vivacité dans ses écrits, et le théologien se retrouve en lui quand il parle des philosophes qui ne sont point de son école. On en jugera par cette citation tirée de ses Questions sur la Genèse : « Pour qu’on ne me soupçonne pas de me plaindre à tort et qu’on n’aille pas soutenir qu’il y a peu de gens qui nient Dieu ou qu’il n’y en a pas du tout, il faut qu’on sache qu’en France et dans les autres pays, le nombre de ces infâmes alliées est tellement considérable, qu’il y a lieu de s’étonner que Dieu les laisse vivre. Boverius assure que ces suppôts du démon sont en France près de soixante mille. Mais pourquoi parler de toute la France ? La ville de Paris en contient au moins cinquante mille pour sa part, et dans une seule maison on en pourrait compter quelquefois jusqu’à douze qui vomissent cette impieté. La Sagesse, de charron, le Prince, de Machiavel, le livre de Cardan sur la Subtilité, les écrits de Campanella, les dialogues de Vanini, les ouvrages de Fludd et de beaucoup d’autres sont pleins d’athéisme. » Malgré cette violence de langage, le caractère et la conduite de Mersenne étaient empreints de modération et de bienveillance. Il était ami des philosophes comme des théologiens, et, parmi les philosophes, ceux qu’il aimait le plus après Descartes, étaient Gassendi et Hobbes. Il était aussi lié avec Galilée et Fermat. Il avait voyagé en Hollande et en Italie, et partout il avait formé des relations avec les esprits distingués qu’il avait rencontrés. que l’amour de la science dominait chez lui les emportements de la foi, et qu’apparemment il ne se piquait pas d’être très-conséquent dans ses opinions.

Voici les titres des principaux ouvrages de Mersenne : Quæstiones celeberrimæ in Genesim, cum accurata lextus explicatione. In hoc volumine athei et deistæ impugnantur, etc., in-f°, Paris, 1623. C’est le livre qui contient le passage cité plus haut ; mais il faut remarquer qu’on a supprimé dans la plupart des exemplaires la liste que donnait Mersenne des prétendus athées de son temps ; — l’Impiété des déistes et des plus subtils libertins, découverte et réfutée par raisons de théologie et de philosophie, 2 vol. in-8, ib., 1624 ; — Questions théologiques, physiques, morales et mathématiques, renfermant entre autres des Questions inouïes, ou Récréations des savants qui contiennent beaucoup de choses concernant la philosophie et les mathématiques, 2 vol. in-8, ib., 1634 ; — la Vérité des sciences, contre les sceptiques et les pyrrhoniens, in-12, ib., 1638. — Indépendamment de ces écrits, qui appartiennent entièrement ou qui tiennent par plusieurs liens à la philosophie, Mersenne a publié une traduction française des Méchaniques de Galilée, Paris, 1634 ; — une Harmonie universelle contenant la théorie et la pratique de la musique, etc., in-f°, ib., 1636 ; — des Pensées physico-mathématiques (Cogitata physico-mathematica), contenant un traité des mesures, des poids et des monnaies hébraïques, grecques et romaines, et diverses considérations sur l’harmonie, la mécanique et l’hydraulique ; enfin, divers traités de géométrie, de mécanique et de physique, tant originaux que traduits des anciens, et publiés sous ce titre général : Universæ geomatriæ mixtæque mathematicæ synopsis, in-4, ib., 1644 et 1647. Il existe une Vie de Mersenne, publiée par le P. Hilarion de Coste, minime, in-8, Paris, 1649 ; et un Éloge de Mersenne, par M. Polé, professeur de mathématiques au Mans, in-8, le Mans, 1816. X.

MÉTAPHYSIQUE. Voulant montrer le rang que devaient tenir parmi tous ses écrits plusieurs traités composés par lui sur les objets les plus abstraits de la pensée humaine, et réunis maintenant en un seul ouvrage, Aristote ou son successeur immédiat, Théophraste, les désigna par cette inscription : Τὰ μετὰ τὰ Φυσικὰ, Ce qui doit être lu après les livres de Physique. Ce titre fit fortune ; il devint celui d’une science tout à fait distincte, qui fut regardée comme le but le plus élevé de la philosophie et le couronnement nécessaire de toutes nos autres connaissances. Mais quel est exactement l’objet de cette science ou le sens précis du mot métaphysique ? Telle est la première question qui se présente devant nous, et que nous ne pouvons résoudre qu’à l’aide de l’histoire.

La métaphysique telle qu’Aristote la comprend, ou ce qu’il appelle du nom de philosophie première, a pour objet l’être en tant qu’être, c’est-à-dire l’essence même des choses, considérée indépendamment des propriétés particulières ou des modes déterminés qui établissent une différence entre un objet et un autre, les premiers principes de la nature et de la pensée ou les causes les plus élevées de l’existence et de la connaissance : car, ainsi que le remarque le philosophe grec avec son sens profond, ces deux choses ne peuvent se séparer ; ce n’est que par les principes les plus absolus de la connaissance que nous pourrons atteindre ceux de l’existence. Il faut donc les embrasser, les uns et les autres, dans une science unique, la plus générale et la plus intéressante que notre esprit puisse con-