mentionne particulièrement le grand Commentaire d’Ibn-Roschd.
Euclide geometra e Tolommeo,
Ippocrate, Avicenna e Galieno,
Averrois che’l gran comento fco.
(Inferno, canto ιν.)
Sur la philosophie arabe en général, on trouve flans le grand ouvrage de Brucker (Hist. crit., philosophiae, t. III) des documents précieux. Ce savant a donné un résumé complet, bien que peu systématique, de tous les documents qui lui étaient accessibles, et il a surtout mis à profit Maimonide et Pococke. C’est dans Brucker qu’ont puisé jusqu’à présent tous les historiens de notre siècle. UEssai sur les écoles philosophiques chez les Arabes, publié par M. Schmœlders (m-8, Paris, 1842, chez Firmin Didot), ne répond qu’imparfaitement aux exigences de la critique. Un pareil Essai devrait être basé sur la lecture des principaux philosophes arabes qui étaient inaccessibles à l’auteur. Quant à Ibn-Roschd, ce nom même lui est peu familier, et il écrit constamment Abou-Roschd ; par ce qu’il dit sur le Tehâfot de Gazali, on reconnaît qu’il n’a jamais vu cet ouvrage. Il n’a pas toujours jugé à propos de nous faire connaître les autorités sur lesquelles il fonde ses assertions et ses raisonnements, et par là même il n’inspire pas toujours la confiance nécessaire. Un ouvrage spécial sur la philosophie arabe est encore à faire.S. M.
ARBITRE (libre ou franc), voy. Liberté.
ARCÉSILAS naquit à Pritane, ville éolienne, la première année de la cxvie olympiade. Après avoir parcouru tour à tour les écoles philosophiques les plus accréditées de son temps, et reçu les leçons de Théophraste, de Crantor, de Diodore le Mégarien et du sceptique Pyrrhon, il se mit lui-même à la tête d’une école nouvelle. L’Académie, livrée à des hommes de plus en plus obscurs, et tombée des mains de Platon dans celles de Socratidès, était près de périr. Arcésilas la releva ; mais en lui donnant un nouvel éclat, il en changea complètement l’esprit.
Il introduisit à l’Académie une méthode d’enseignement toute nouvelle. Au lieu de dire son sentiment, il demandait celui de tout le monde (Cicéron, de Fin., lib. II, c. i). Il n’enseignait pas, il disputait. Dans cette inépuisable controverse, ^ chaque système avait son tour, et celui d’Arcésilas était de détruire tous les autres.
Arcésilas prétendait continuer Socrate et Platon ; mais l’apparent scepticisme de Platon n’est qu’un jeu d’esprit, et sa dialectique, négative dans la forme, est au fond très-positive et trèsdogmatique. Arcésilas abandonna le fond, et, ne s’attachant qu’à la forme seule, il la corrompit et l’altéra. « Je ne sais rien, disait Socrate, excepté que je ne sais rien. » Mais dans sa pensée, celui qui sait cela est bien près d’en savoir davantage. Arcésilas gâte, en l’exagérant, cette excellente maxime. Il ne sait, dit-il, absolument rien, et son ignorance elle-même, il fait profession de l’ignorer. Rien, à son avis, ne peut être compris ; et cette universelle incomprchensibililé est incompréhensible comme tout le reste (Aulu-Gelle, Nuits attiques, liv. IX, ch. v). Gorgias et Métrodore disaient-ils autre chose ?
Arcésilas n’épargnait personne. Mais il devait trouver son adversaire naturel dans le stoïcisme, l.i plus forte doctrine du temps. Aussi renseignement d’Arcésilas fut-il un duel de chaque jour contre Zénon. La doctrine de Zénon reposait sur sa logique, qui elle-même avait pour base une théorie de la connaissance Dans tette
théorie, trois degrés conduisent à la science, la sensation (αίσΟησις), l’assentiment ( « τυγχατάθεσι ; ) et la représentation véridique (φανταρία καταληπτική), qui seule constitue une connaissance complète et certaine (Cic., Acad. quœst., lib. II, c. xlvii. —Sext., Adv. Math., p. 166, B, édit. de Genève). Otez la représentation véridique, mesure et critérium de la vérité, c’en est fait de la logique stoïcienne et du stoïcisme tout entier. Tout l’effort d’Arcésilas fut de prouver que ce critérium est insuffisant ou contradictoire. Il sut profiter habilement des objections accumulées par les sophistes^ les mégariques et les pyrrhoniens contre les intuitions sensibles (Sextus Emp., llijp. Pyrrh.j lib. I. c. xxxm. Cf. Cic., Acad. quœst., lib. I, c. xm), et y ajouta de son propre fond plusieurs arguments qui trahissent une sagacité supérieure.
C’est une chose curieuse de lire dans Cicéron comment le père de l’école stoïcienne fut conduit, presque malgré lui, par les objections d’Arcésilas qui le pressait et le harcelait sans relâche, à établir peu à peu une théorie régulière sur le critérium de la vérité.
Zénon soutenait contre Arcésilas que le sage peut quelquefois se fier sans réserve aux représentations de son intelligence (Cicéron, Acad. quœst., lib. II, c. xxiv). Arcésilas lui opposait les illusions des rêves et du délire, la diversité des opinions humaines, les contradictions de nos jugements (ibid., c. xxxi). Pressé par son adversaire ; Zénon crut qu’il lui fermerait la bouche, s’il découvrait un caractère, une règle qui fît distinguer les représentations illusoires de celles qui s’accordent avec la nature des objets. Ce caractère, cette règle, il l’appela la représentation véridique. Il la définissait:une certaine empreinte sur la partie principale de l’âme, laquelle est figurée et gravée par un objet réel, et formée sur le modèle de cet objet (Cf. Sextus Emp., Adv. Math., p. 133, D; Hgp. Pgrrh., lib. II, c. vh).
Mais, objecta Arcésilas, cette espèce de représentation ne servirait de rien, si un objet imaginaire était capable de la produire. Zénon ajouta alors qu’elle devait être telle qu’il fût impossible qu’elle eût une autre cause que la réalité. Recte consentit Arcésilas, dit Cicéron. Cette définition était, en effet, entre les mains de l’habile académicien, une source intarissable d’objections.
Nous ne citerons que la principale:S’il existe des représentations illusoires et des représentations véridiques, il faut un critérium pour les démêler. Quel sera ce critérium ? une représentation véridique. Mais c’est une pétition de principe manifeste, puisqu’il s’agit de distinguer la représentation veridique de ce qui n’est pas elle. Ainsi donc, cette représentation véridique qu’on aura prise arbitrairement pour critérium, demandera une autre représentation de la même nature, et ainsi de suite à l’infini.
Arcésilas conclut qu’il n’y a pas de différence absolue pour l’homme entre le vrai et le faux, et que le sage doit s’abstenir. Mais il faut vivre, il faut agir, et si la spéculation pure peut se passer de critérium, il en faut un pour la pratique. Arcésilas, à qui la vérité échappe, se réfuie dans la vraisemblance. Ce n’est pas qu’elle
oive, suivant lui, pénétrer dans les pensees du sage ; mais il peut en faire la règle de sa conduite.
Arcésilas n’oublie qu’une chose, c’est que la vraisemblance suppose la vérité, puisqu’elle se mesure sur elle. La certitude, chassée de l’entendement, y rentre, malgré qu on en ait, à la suite de la vraisemblance. Car s’il n’est pas certain