Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/139

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sortirent également de ces deux écoles : à la première se rattache le célèbre so­phiste Protagoras ; à la seconde, Diagoras de Mé­los, le premier, je crois, qui reçut le nom d’athée. Un peu plus tard, ce n’est plus seulement au nom de la physique que l’athéisme entreprend de s’établir dans les esprits : il veut aussi avoir pour lui la philosophie morale et se montrer d’ac­cord avec la nature intérieure de l’homme. C’est ainsi qu’il se produit dans l’école cyrénaïque, qui ne reconnaît chez l’homme d’autres principes d’action que les instincts les plus matériels, que les sensations les plus immédiates, les plus gros­sières, et qui a donné naissance à deux athées fa­meux, Theodore et Evhémère. Enfin, après les deux vastes systèmes de Platon et d’Aristote, l’a­théisme dut prendre également une forme plus large, plus élevée, autant que l’élévation est dans sa nature, et, si je puis m’exprimer ainsi, plus métaphysique. Ce changement a été opéré par Straton de Lampsaque, disciple égaré de l’école péripatéticienne. En effet, repoussant la physique purement mécanique de Démocrite, Straton re­connaissait dans la matière une force organisa­trice, mais sans intelligence, une vie intérieure sans conscience ni sentiment, qui devait donner à tous les êtres et les formes et les facultés que nous observons en eux. Cette force aveugle rece­vait de lui le nom de nature, et la nature rem­plaçait à ses yeux la puissance divine (Omnem vim divinam in natura sitam esse. Cic., de Nat. Deor., lib. I, c. xm). Ëpicure, dont l’athéisme a été suffisamment établi, était le contemporain de Straton et le servile imitateur de Democrite. Tout son mérite est d’avoir épuré et développé avec beaucoup d’art la morale qui découle de cette manière de comprendre la nature des cho­ses. A partir de cette epoque, l’étude de la nature humaine se substituant de plus en plus aux hy­pothèses générales, l’athéisme prend un caractère moins dogmatique, moins tranchant, et se rattache ordinairement à une psychologie sensualiste. C’est ainsi qu’il s’offre à nous chez les modernes, même dans Hobbes, dont le matérialisme n’est guère que la conséquence d’une analyse incomplète de la théorie nominaliste de l’intelligence humaine. Mais à cette influence il faut en ajouter une autre toute négative ; je veux parler de cet esprit d’hos­tilité qui se manifesta à la fin du xvn8 et dans tout le cours du xvine siècle contre les dogmes de la religion positive. Et cet esprit à son tour ne doit pas être isolé des passions d’un autre ordre qui ont amené la rénovation de la société tout entière. Ce mouvement une fois accompli, l’a­théisme devient de plus en plus rare ; et l’on peut dire aujourd’hui, s’il en reste encore des traces dans quelques autres sciences, il a disparu à peu près complètement de la philosophie. Les progrès d’une saine psychologie en rendront le retour à jamais impossible ; car c’est par une observation exacte de toutes les facultés humaines que l’on rencontre en soi tous les éléments de la connais­sance de Dieu, et que l’on aperçoit le vice radical des deux systèmes dont l’athéisme est la consé­quence. Sans doute il y aura toujours à côté de l’idée de Dieu des mystères impénétrables, des difficultés invincibles pour la science ; mais, de ce que nous ne savons pas tout, il n’en résulte pas que nous ne sachions rien ; ae ce que nous ne voyons pas fous les rapports qui lient les deux termes, le fini et l’infini, on n’en peut pas con­clure que les termes eux-mêmes n’existent pas.

On a dépassé, et par là même on a compromis la vérité, quand on a prétendu que l’athéisme conduisait nécessairement à tous les désordres et à tous les crimes. Considéré individuellement, l’athée peut trouver, dans son intérêt même, la seule règle de conduite à laquelle il puisse s’ar­rêter, un contre-poids suffisant à ses passions : mais la société ne saurait se contenter ni d’un tel mobile, ni d’un tel frein. En fait d’intérêt, un autre n’a rien à me prescrire ; chacun juge de ce qui lui est utile d’après sa position, d’après ses moyens d’agir, et surtout d’après ses passions. Et quand on parviendrait, avec ce faible ressort, à empêcher le mal, jamais on ne ferait naître l’a­mour du bien ; car le bien n’est qu’une abstrac­tion, un mot vide de sens, s’il n’est pas confondu avec l’idée même de Dieu.

Il existe sur l’athéisme plusieurs traités spé­ciaux dont nous donnons ici les titres : Pritius, Dissert, de A theismo in se fœdo et humano ge­neri noxio, in-4, Leipzig, 1695. Grapius, an Atheismus necessario ducat ad corruptionem morum, in-4, Rostock, 1697.Abicht, deDamno Atheismi in republica, in-8, Leipzig, 1703. Buddeus, Thes. de Atheismo et Superstitione, in-8, Iéna, 1717. Stultitia et irrationabilitas Atheismi, par Jablonski, in-8, Magdeb., 1696. Leclerc, dans la Bibliothèque choisie, Histoire des systèmes des anciens athées.Müller, Atheis­mus devictus, in-8, Hamb., 1672.Theoph. Spizelii, Scrutinium Atheismi historico-theologicum, in-8, Augsb., 1663. —Heidenreich, Lettres sur VAtheisme, in-8, Leipzig, 1796 (ail).—Reimmann, Historia Atheismi et Atheorum falso et merito suspectorum, etc·., in-8, Hildesh., 1725.

  • Sylvain Maréchal, Dictionnaire des Athées, in-8, Paris, 1799.

ATHÉNAGORE d’Athènes florissait vers le milieu du IIe siècle de l’ère chrétienne, et fuf d’abord un zélé disciple de Platon, dont il a long­temps enseigné la philosophie dans son pays na­tal. S’étant converti au christianisme, il essaya de concilier dans son esprit les principes de sa foi nouvelle avec les doctrines de son premier maître. Ce mélange fait le principal caractère des deux ouvrages que nous avons conservé de lui, une apologie des chrétiens adressée à l’em­pereur Marc-Aurèle et à son fils Commode, et un traité de la résurrection des morts, Athenagorae legatio pro Christianis, et de Resurrectione mortuorum liber} grcec. et lat., ed. Adam Rechenberg, 2 vol. in-8, Leipzig, 1684. Une se­conde édition en a paru à Oxford, en 1706, pu­bliée par Ed. Dechair. Il existe une traduction française de ces deux ouvrages par Armand Duferrier, 1777, et une autre du second, par P. L. Renier, Breslau, 1753. Voy. aussi Brucker, Hist. crit. de la Phil., ch. m, et toutes les histoires ecclésiastiques. Du reste, Athénagore est très-rarement cite par les auteurs un peu anciens.

ATHénodore de Soli (Athenodorus Solen­sis), philosophe stoïcien dont on ne sait absolu­ment rien, sinon qu’il a été disciple immédiat de Zénon, le fondateur du stoïcisme. (Voy. Dio­gène Laërce, liv. VII, ch. i.)

ATHÉNODORE de Tarse (Athenodorus Tar­sensis). Il a existé deux philosophes de ce nom, tous les deux attachés à l’école stoïcienne. L’un, surnommé Cordylion, était le contemporain et l’ami de Caton le Jeune. Il était placé à la tête de la fameuse bibliothèque de Pergame, et l’on raconte de lui (Diogène Laërce, liv. VII) que, dans un ac­cès de zèle pour l’honneur de l’école dont il fai* sait partie, il essaya d’effacer des livres stoïciens tout ce qui ne lui semblait pas absolument irré­prochable ; mais cette supercherie ne tarda pas à être découverte, et l’on rétablit les passages supprimés.L’autre Athénodore est plus récent. Il porte le surnom de Cananites et a donné des leçons à l’empereur Auguste, sur qui il a exercé, dit-on, une salutaire influence. Il a publié plu­sieurs écrits qui ne sont pas arrivés jusqu’à nous.