Itamirient invariable dans un mouvement constamment varié, telle est la définition de l’univers. » On voit que la physique d’Azaïs ne vaut
uère mieux que sa philosophie.-Le vice inhérent
l’une et à l’autre, c’est l’ignorance. La morale douce et résignée qui accompagne ces élucubrations banales ou creuses, et la pureté des intentions honorent le caractère d’Azaïs : mais il ne suffit pas d’avoir l’àme tendre et d’aimer les hommes pour être compté parmi les philosophes.
Voici la liste chronologique des œuvres les plus intéressantes d’Azaïs : du Malheur el du Bonheur, 1800 ; Introduction à l’essai sur le monde, 180ό ; —les Compensations dans les destinées, etc., 1808 ; —Système universel, en huit volumes, 1809 ; Cours de philosophie générale, 1821, reproduit en 1826 sous cet autre titre : Explication universelle. 11 a lui-même résumé ses idées dans l’article Compensations du Dictionnaire de la conversation.E. C.
- Dans la composition des termes numériques par lesquels les logiciens désignent les différents modes du syllogisme, cette consonne indique que tous les modes des trois autres figures, qui ont cette initiale, peuvent être ramenés au mode de la première qui commence par la même lettre ; par exemple, Barbari et Baroco se ramènent de différentes manières au mode Barbara. Voy. Conversion, Syllogisme.
BAADER (François), un des plus éminents penseurs de l’Allemagne, étudia d’abord la médecine et les sciences naturelles. 11 ne se voua qu’assez tard aux spéculations métaphysiques. Il occupe dans la philosophie moderne, une place à part. Il n’a pas rédigé de corps de système. Ses idées se trouvent dispersées dans une foule d’écrits détachés. Cette exposition, déjà si peu suivie, est sans cesse brisée par des digressions. Baader est ardent à la polémique : il ne sait pas résister au plaisir d’une escarmouche, et ne perd aucune occision de faire le coup de feu contre ses adversaires. La rapidité de la pensée et de fréquentes allusions rendent difficile la lecture de ses écrits. Les étrangetés d’un style original, embrouillé, bizarre, ajoutent encore à l’obscurité. On peut aussi reprocher à Baader des puérilités mystiques que ce viril esprit aurait dû s’interdire. Tout cela fait autour de sa vraie pensée un fourré que peu de gens ont le courage de traverser. Mais ceux qui l’essayent sont bien récompensés. Les écrits de Baader sont une mine des plus riches. Ils ont une grande valeur critique, et forment un arsenal précieux pour qui veut combattre les diverses écoles de l’Allemagne. Baader en a saisi les côtés faibles avec une singulière pénétration, et de sa dialectique acérée il a frappé au défaut de l’armure tour à tour Kant, Fichte, Schelling et Hégel. Baader a profité de tous les progrès que ces grands esprits ont fait faire à la pensée ; mais il a, dès l’origine, combattu leurs erreurs, quand personne encore ne les soupçonnait, et a été seul à soutenir toujours contre eux la cause de la science chrétienne.
Baader unit la religion positive et la philosophie par un mysticisme qui rappelle Jacob Bœhm. Jacob Bœhm a partagé l’étonnante destinée de Spinoza. Ces étranges génies n’ont exercé aucune influence sur leur temps. Il a fallu deux siècles et plus à l’esprit humain pour arriver à les comprendre. Ils n’ont trouvé qu’aujourd’hui des penseurs capables de les pénétrer ; et ils ont présidé à la révolution philosophique de l’Allemagne, comme Montesquieu et Rousseau à la révolution politique de la France. Schelling, dans son premier système, el
Hégel, relèvent de Spinoza ; ils se réclament aussi de Jacob Bœhm, mais c’est à tort ; ils l’ont mal compris. Baader est son véritable descendant. Les mystiques du moyen âge, Paracelse, Van Helmont, sainte Thérèse, Mme Guyon. Swédenborg, Pascalis, et surtout Saint-Martin, étaient également familiers à Baader.
Lorsque le roi de Bavière voulut faire de l’université de Munich le centre d’une réaction religieuse contre les idées nouvelles, Baader fut appelé à y professer la philosophie. 11 finit par être assez mal vu. Le roi voulait restaurer le moyen âge plus encore que le christianisme, et Baader avait une libéralité de vue qui s’accordait mal avec ses projets. Nous avons parlé de bizarreries mystiques ; mais toutes les fois qu’il sait s’en préserver, il retrouve le bon sens du génie. 11 se distingue même entre les penseurs de l’Allemagne par son esprit pratique. 11 s’est fort occupé de politique, et toujours avec indépendance. En 1815, il conseilla à la SainteAlliance de légitimer sa cause par un grand acte de justice, la restauration de la nationalité polonaise. A la même époque, il signalait avec un coup d’œil prophétique le besoin qu’avait donné la révolution française de réaliser socialement les principes évangéliques de justice et de charité. Après 1830, il s’occupa le premier, dans son pays, des prolétaires, et ce fut avec un esprit généreux. Tout cela ne le mettait pas en faveur auprès du roi, moins encore ses idees sur l’Église. Baader s’est détaché de Rome ; il s’est prononcé avec force contre la suprématie du pape. Il voulait d’un catholicisme régi par les conciles et démocratiquement constitue. L’Eglise grecque répondait le mieux à son idéal ; et dans son dernier écrit, peu de temps avant sa mort, il cherche à établir la suprématie de cette Église sur celle de Rome.
La théorie de la liberté est ce qu’il y a de capital dans Baader. La philosophie allemande est venue aboutir au panthéisme. Hégel est l’inévitable conclusion de Kant. On a compris alors que la logique seule menait à un Dieu universel, à un monde nécessaire, et que, pour échapper au panthéisme, il fallait la dépasser et réhabiliter la liberté. Tout l’effort des adversaires intelligents de Hégel porte sur ce point. Baader a suivi cette tactique bien avant les autres. Il a donné le signal et le plan de l’attaque, et a beaucoup contribué au changement de Schelling et au discrédit du panthéisme en Allemagne.
Il faut, d’après Baader, distinguer trois moments dans l’histoire de l’homme. Dieu le crée innocent ; mais cette pureté originelle n’est pas la perfection. L’homme est créé pour aimer Dieu. Or l’amour n’est pas cet instinct primitif du bien imposé par la nature ; il suppose le consentement, il est le libre don de soi-même. Mais la liberté n’est pas le libre arbitre, le choix du bien ou du mal. Le bien seul est la liberté. Le mal est l’esclavage ; car la volonté coupable est sous la servitude des attraits qui la dominent, et des lois divines qui répriment ses désordres, la frappent d’impuissance et la paralysent. Le libre arbitre n’est donc pas la liberté ; il est le choix entre elle et l’esclavage. Il n’est pas la perfection ; il n’en est que la possibilité. Il n’est pas l’amour ; il n’en est que la porte. Il doit donc être franchi et dépassé. Mais si la liberté est une charité immuable, éternelle, une vie divine dont on ne peut déchoir, elle n’en présuppose pas moins le libre arbitre. Pour se donner librement, il faut pouvoir se refuser. Il y a donc un momentoù l’homme est appelé à se donner ou à se refuser à Dieu ; l’alternative est offerte : il choisit. Après l’innocence, avant l’amour, le libre arbitre ou l épreuve.