Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Doctrine médicale de Vécole de Montpellier, et comparaison de ces principes avec ceux des autres écoles de l’Europe.

BÉRENGER. né à Tours, au commencement du xr siècle, de parents riches et distingués, étu­dia les arts libéraux et la théologie sous Fulbert de Chartres, un des maîtres les plus fameux de ce temps. Revenu dans sa patrie en 1030, il fut choisi pour écolàtre, magister scholarum, du mo­nastère de Saint-Martin, et remplit ces fonctions jusqu’en 1039, où il devint archidiacre d’Angers. Un point qui touche au fond même du christia­nisme, celui de savoir quel est le sens du sacre­ment eucharistique, soulevait alors de vifs débats. Déterminé, dit-on, par une rivalité d’école, Bérenger soutint contre Lanfranc dePavie, supérieur de l’abbaye du Bec et son émule ; que /•’eucharis­tie n’était qu’un pur symbole, opinion déjà émise par Scot Ërigène. Divers conciles tenus en 1030, à Rome, à Verceil, à Brienne, en Normandie, et à Paris, condamnèrent la doctrine de Bérenger, et^ celui de Paris le priva même de ses bénéfices. Bérenger ? qui s’était vigoureusement défendu, pensa qu’il devait céder à l’orage et abjurer. Mais a peine se fut-il rétractéj en 1055, devant le concile de Tours, qu’il revint a son premier sentiment, et désormais sa vie offrit, pour tout spectacle, de continuelles variations. Une seconde abjuration devant le concile de Rome, en 1059, fut aussitôt suivie d’une nouvelle rechute. En 1078, il abjura une troisième fois aux pieds du pape Gregoire VII, et deux années plus tard l’incertitude de son or­thodoxie obligea encore de le citer devant le con­cile de Bordeaux, où il confirma ses précédentes rétractations. Quelques auteurs pensent que sa conversion fut sincère et définitive ; d’autres le contestent, entre autres Oudin, Cave, et la plu­part des écrivains protestants. Il mourut en 1088. Un chroniqueur cité par Launoy (de Scholis cele­brioribus liber) loue les connaissances de Béren­ger en grammaire, en philosophie et en nécro­mancie. Hildebertae Lavardin, son disciple, dans une épitaphe qu’il lui a consacrée^ dit que son génie a embrassé tous les objets aécrits par la science, chantés par la poésie, quidquid philoso­phi, quidquid cecinere poetœ. Sigebert de Gembloux parle de son talent pour la dialectique et les arts libéraux (de Script. Eccles., c. 111)3 tous les historiens le représentent comme versé profondé­ment dans les sciences humaines. Ceux de ses ouvrages qui nous sont parvenus portent, en ef­fet, l’empreinte d’une érudition assez variée, et qui, au xic siècle, était peu commune. Lanfranc, son adversaire, lui reprochait ses réminiscences profanes, et ce n’était pas sans motifs ; car, dans un de ses opuscules, il cite cinq fois Horace. Cette préoccupation de l’antiquité classique s’allie, chez Bérenger, comme chez tant d’autres, à un esprit d’indépendance, attesté d’ailleurs par l’histoire entière de sa vie. Il ne récusait pas l’autorité ; mais il a écrit ces mots que beaucoup de philo­sophes d’une époque plus éclairée n’auraient pas désavoués (de Sacra cœna, p. 100) : « Sans doute, il faut se servir des autorités sacrées quand il y a lieu, quoiqu’on ne puisse nier, sans absurdité, ce fait évident, qu’il est infiniment supérieur de se servir de la raison pour découvrir la vérité. » Ailleurs, dans son élan pour la dialectique, il s’écrie que Dieu lui-même a été dialecticien, et à l’appui de cette étrange assertion il cite quelques raisonnements tirés de l’Évangile. On ne saurait donner au droit de discussion, comme le dit in­génieusement M. J.-J. Ampère, une plus haute garantie. Telle est donc la physionomie générale sous laquejle Bérenger se présente : il a conti­nué Scot Érigène et prépare Abailard. Inférieur à tous deux, par le génie et par l’influence, il s’est trompé comme l’un et l’autre en appliquant la dialectique aux objets de la foi ; mais de son entreprise échouée il est resté un ébranlement profitable sous quelques rapports à l’esprit hu­main, qui, au commencement du xie siècle, se mourait de langueur et d’immobilité.Quelques opuscules de Bérenger sont épars dans les œu­vres de Lanfranc (in-f°, Paris, 1648), et diverses collections bénédictines. En 1770, Lessing, ayant retrouvé dans la Bibliothèque de Brunswick un manuscrit de son livre de Sacra cœna, en publia quelques fragments sous le titre de Berengarius Turonensis, in-4. Depuis, l’ouvrage complet a été imprimé par les soins de M. Fred. Vischer, in-8, Berlin, 1834. On peut consulter, en outre : Oudin, Dissert, de vita, scriptis et doctrina Berengarii, ap. Comment, de Script. Eccles., t. II, p. 622 ; Histoire littéraire de France, t. VIII ;

  • M. Ampère, Histoire littéraire de France avant le xir siècle.C. J

BÉRENGER (Pierre), natif de Poitiers et dis­ciple d’Abailard, écrivit après le concile de Sens une Apologétique où il essayait de justifier son maître. Le fond de cette défense, qui est semée de beaucoup de réminiscences profanes, est moi­tié plaisant, moitié sérieux, et la forme en est généralement très-acerbe. Les Pères du concile y sont représentés sous les figures les plus grotes­ques, préparant, au milieu des désordres d’une orgie, une sentence de condamnation, arrachée par la crainte et la vengeance. Mais c’est surtout à saint Bernard que l’impitoyable champion d’A­bailard prodigue le sarcasme et l’outrage. Il con­teste son éloquence ; il nie jusqu’à son ortho­doxie ; il lui reproche de se payer de jeux de mots et d’abuser les esprits par des frivolités puériles ou par des erreurs que l’Église réprouve. Ce pamphlet est une œuvre de la jeunesse de l’auteur, qui n’en publia que la première partie. Plus tard, tout en refusant de le désavouer, Bé­renger se défendit, dans une lettre à l’évêque de Mende, d’admettre les opinions imputées à Abai­lard, et d’avoir voulu attaquer la personne de saint Bernard. « J’ai mordu,’dit-il, je l’avoue ; mais ce n’est point le béat contemplatif, c’est le philosophe ; ce n’est point le confesseur, mais l’é­crivain. J’ai attaqué non pas l’intention, mais la langue ; non pas le cœur, mais la plume. » VApologétique et la lettre à l’évêque de Mende ont été imprimées à la suite des œuvres d’Abailard et d’Héloïse, soit dans l’édition d’Abiilard don­née par Amboise, soit dans celle de M. Cousin, in-4, Paris, 1614.C. J.

BERG (François), né en 1753, dans le royaume de Wurtemberg, professeur d’histoire ecclésias­tique et conseiller ecclésiastique à Wurtzbourg, fut un des plus ardents adversaires de Schelling. Il publia contre lui, sous le titre de Sextus, un traité de la connaissance humaine, où le dogma­tisme le plus absolu, celui que professait M^ de Schelling avant sa seconde apparition sur la scène philosophique, est combattu par le scepticisme. Cet écrit provoqua une réponse anonyme, qui re­çut le nom à’Ant i-Sextus. Berg essaya plus tard, dans un second ouvrage intitulé : Épicritique de la philosophie, de poser les bases de son propre système, où la volonté appliquée à la pensée, la volonté logique, ainsi qu’il la nomme, ^ est re­gardée comme le seul moyen d’arriver à la con­naissance de la réalité. Il pense que le principe unique de toute erreur en philosophie consiste en ce qu’on ne songe pas à s’entendre sur le point de la question à éclaircir. Le premier remède à cet inconvénient serait, selon lui, de donner un Organon à la philosophie, ainsi que Kant l’avait voulu faire. L’Épicritique est la philosophie destinée à combler cette lacune, et elle doit, en se