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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/206

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qui ne rencontre pas de résistance capable de la provoquer au mouvement, demeure immo­bile (Contemplation divine, liv. I, ch. ix). Si la vie naturelle ne rencontrait pas de contradiction, elle ne s’informerait jamais du principe dont elle est sortie, et de cette manière, le Dieu ca­ché demeurerait inconnu à la vie naturelle (ubi supra). On démontre par un raisonnement sem­blable que sans la douleur nous ne connaîtrions pas la joie, que la jouissance sort toujours des angoisses et des ténèbres du désir. Aussi Boehm, dans son langage inculte, mais plein d’imagina­tion, a-t-il appelé le démon, c’est-à-dire le mal personnifié, le cuisinier de la nature ; car, dit-il en continuant la métaphore, sans les aromates, tout ne serait qu’une fade bouillie (Mysterium magnum, c. xvm).

Avec les éléments que nous possédons déjà, il est facile de deviner le rang que ce système donne à la nature humaine. L’homme nous offre en lui une image et un résumé de toutes choses ; car ii appartient à la fois aux trois sphères de l’existence que nous venons de parcourir. Il tient à Dieu par son âme, dont le principe se confond avec l’essence divine ; c’est la lumière divine qui fait le fond de notre intelligence, et c’est Dieu lui-même qui est notre vie et notre savoir. L’esprit qui est en nous est celui-là même qui a assiste à la création ; il a tout vu et il voit tout à la lumière suprême (Description des trois principes, ch. vu, § 6). Par l’essence de son corps ; l’homme tient à la nature éternelle, source et siege de toutes les essences. Enfin, par son corps proprement dit, il appartient à la nature visible. Ainsi s’explique la faculté que nous avons de connaître Dieu et l’univers tout entier. Car, dit-il (ubi supra), « lorsqu’on parle du ciel et de la génération des éléments, on ne parle point de choses éloignées, ni qui soient à dis­tance de nous ; mais nous parlons de choses qui sont arrivées dans notre corps et dans notre âme, et rien n’est plus près de nous que cette géné­ration au sein de laquelle nous avons la vie et le mouvement, comme dans notre mère. »

Avec une pareille métaphysique, toute morale devient un non-sens. Cependant Boehm en a une sur laquelle nous n’insisterons pas, car elle est commune à tous les mystiques : ne s’attacher à rien dans ce monde, ne penser ni au jour ni au lendemain, se dépouiller de la volonté et du sentiment de son existence personnelle, s’abîmer dans la grâce, et hâter par la contemplation et par la prière l’instant où l’âme doit se réunir à Dieu, en un mot, s’efforcer de ne pas être, tel est, selon lui, le but suprême de la vie.

Ce système est le fruit des idées protestantes sur la grâce, mêlées à l’alchimie et à certains principes cabalistiques très-répandus au xvie siè­cle. Ce que nous ne comprenons pas ? c’est que des hommes qui se croient des chrétiens ortho­doxes, aient partagé cet engouement, ce respect presque religieux pour ce chaos informe, ou le panthéisme coule à pleins bords.

Les œuvres de J. Boehm, toutes écrites en allemand, ont été réimprimées plusieurs fois. 11 en a paru à Amsterdam quatre éditions : la pre­mière, chez Henri Betcke, in-4, 1675 ; la seconde, beaucoup plus complète, a été publiée par Gichtel, un sectateur de Boehm, en 10 vol. in-8, 1682 ; la troisième, 2 vol. in-4, a paru en 1730, sous le titre de Theologia revelata ; enfin la quatrième, en 6 vol. in-8, est de la même année. En 1831, un autre sectaire de Boehm, Scheibler, a com­mencé à Leipzig, la publication d’une nouvelle édition des Œuvres complètes de Jacob Doelim, in-8. Les œuvres de Boehm ont été traduites en anglais par Guillaume Law, 4 vol. in-4, Lon­dres, 1765, et 5 vol. in-4, 1772. Saint-Martin a traduit en français les trois ouvrages suivants : 1° l'Aurore naissante, 2 vol. in-8, Paris, an VIII ; 2° les Trois Principes de l’essence divine, 2 vol. in-8, Paris, an X ; 3° le Chemin pour aller à Christ, 1 vol. in-12, Paris, 1822. On avait com­mencé, en 1684, une traduction italienne qui n’a pas eu de suite. Il existe aussi, sur Jacob Boehm, plusieurs écrits biographiques, apologé­tiques et critiques dont voici les principaux : Histoire de Jacob Boehm, ou Description des événements les plus importants, etc., in-8, Hamb., 1608, et dans le premier volume de l’é­dition de 1682 (ail.).Joh. Ad. Calo, Disputatio sistens historiam Jac. Boehmii, in-4. Wittem­berg, 1707 et 1715. Just Wessel Raupaeus. Dissertatio de Jac. Boehmio, in-4, Soest, 1714.

  • Ad. Sig. Bùrger, Disputatio de sutoribus fa­naticis. in-4, Leipzig, 1730. Jacob Boehm, Essai biographique, in-8, Dresde, 1802 (ail.).Introduction à la connaissance véritable et fon­damentale du grand mystère de la Béatitude, etc., 1 vol. in-8, Amsterdam, 1718 (ail.). De la Motte Fouquet, Essai biographique sur J. Boehm, 1 vol. in-8, Greiz, 1831. Henrici Mori, Philosophice teutonicæ censura, dans le tome I de ses œuvres, Londres, 1679, p. 529.

BŒHME (Christian-Frédéric), théologien-phi­losophe, né en 1766, à Risenberg, professeur au gymnase d’Altenberg, pasteur et inspecteur à Luckau, docteur en théologie et membre du consistoire. Il appartient à l’école de Kant, dont il a défendu les doctrines contre l’idéa­lisme de Fichte. Voici les titres de ses ouvrages philosophiques : de la Possibilité des jugements synthétiques a priori, in-8, Altenb., 1801 ; Com­mentaire sur et contre le premier principe de la science d’après Fichte, suivi d’un Epilogue sur le système idéaliste de Fichte, in-8, ib., 1802 ; —Eclaircissement et solution de celle question : Qu’est-ce que la vérité ? in-8, ib., 1804. A ces trois ouvrages, écrits en allemand, il faut ajouter celuici, qui s’est publié en latin : de Miraculis Enchi­ridion, 1805. Les écrits suivants appartiennent à la philosophie et à la théologie : la Cause du supernaturalisme rationnel, in-8, Neusl. s. PO., 1823 ; de la Moralité du Mensonge, dans le cas de nécessité.

BOËTHIUS (Daniel), philosophe suédois, at­taché à la doctrine de Kant qu’il enseignait à l’Université d’Upsal pendant les premières an­nées de ce siècle. Mais, comme écrivain, il s’est appliqué principalement à l’histoire de la philo­sophie, qui lui doit les ouvrages suivants : Diss. de philosophice nomine apud veteres Romanos inviso, in-4, Upsal, 1790 ; Diss. de idea histo­ria philosophice rite formanda, in-4, ib. ; 1800 ;

  • Diss. de praecipuis philosophice epochis, in-4, Londres, 1800 ; de Philosophia Socratis, Up­sal, 1788.

BOÉTHUS. Ce nom, qu’il ne faut pas confon­dre avec celui de Boëthius, appartient à la fois à quatre philosophes de l’antiquité : le premier est un stoïcien dont le souvenir nous a été transmis par Cicéron et par Diogène Laërce, liv. VII, ch. i. 11 n’admettait pas. avec les autres philosophes de son école, que le monde fût un animal, et, au lieu de deux motifs de nos juge­ments, il en connaissait quatre, à savoir : l’esprit, la sensation, l’appétit et l’anticipation. Il avait composé une Physique et un traité du Destin en plusieurs livres. Le second est un péripatéti­cien, disciple d’Andronicus de Rhodes et origi­naire de Sidon. Strabon, son condisciple, le cite (liv. XVI) au nombre des philosophes les plus distingués de son temps, ce qui veut dire, sans doute, de son école, et Simplicius ne craint pas delui