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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/213

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et qu’elle considere le bonheur comme la fin dernière, encore qu’elle ne con­naisse pas la vraie félicité. Mais en tant que la métaphysique considère l’être premier comme l’exemplaire absolu et le type de toutes choses, elle n’a rien de commun avec les autres sciences ; c’est là où elle est vraiment elle-même, où elle est purement la métaphysique (in Hexaem., serm. I).

Les œuvres de saint Bonaventure ont été re­cueillies pour la première fois, à Rome, 158896, par l’ordre de Sixte-Quint et par les soins du P. Buonafoco Farnera, franciscain, 7 vol. in-f° ; c’est sur cette édition que fut faite celle de Lyon in-f°, 1668. Il en a paru une plus récente àVenise, 1752-56, 14 vol. in-4. Voy. aussi Histoire abrégée de la vie, du culte et des vertus de saint Bona­venture, in-8, Lyon, 1747 ; Essai sur la philo­sophie de saint Bonaventure, par de Margerie, Paris, 1855, in-8.H. B.

BONNET (Charles), né à Genève en 1720, est mort en 1793. Il n’a pas quitté la Suisse pendant le cours d’une vie paisible et tout entière consa­crée à l’étude et à la méditation. Avant d’étudier l’homme, Bonnet a étudié la nature ; il est à la fois naturaliste et philosophe. Ses premiers travaux eurent pour objet la botanique et l’ento­mologie ; mais il apporte un caractère particu­lier dans l’étude de la nature. A la patiente sagacité de l’observateur, il joint la sensibilité et l’imagination du poëte, en même temps que des idées philosophiques sur l’ensemble des êtres. L’univers est pour lui comme un temple sacré, où Dieu de toute part se révèle. Il aper­çoit dans toutes ses parties la sagesse adorable^ la puissance infinie qui en a conçu et exécute le plan ; il l’aperçoit jusque dans le dernier des végétaux et le dernier des insectes, où se dé­couvrent à lui de merveilleuses harmonies. Des élans d’amour et de reconnaissance s’échappent à chaque instant de son âme pénétrée de la beauté et de la grandeur de l’œuvre de Dieu et donnent à ses ouvrages une sorte de poésie qui ne nuit pas toujours à la rigueur de sa mé­thode. Ses deux principaux ouvrages d’histoire naturelle ont pour titres : Considérations sur les corps organisés et Contemplation de la nature. La methode et la profondeur de ces deux ouvrages ont été louées p ? r les plus grands na­turalistes de notre époque, jntre autres par Cuvier. Il a consacré à l’etude de l’homme deux autres grands ouvrages : l’Essai analytique sur le5 facultés de l’âme et la Palingénésie philoso­phique.

Comme philosophe, Charles Bonnet appartient à l’école sensualiste ; mais le sentiment religieux dont il est pénétré, ses spéculations sur l’enchaî­nement des êtres, sur l’état futur de l’homme et des animaux, son attachement à quelques prin­cipes de la philosophie de Leibniz, le distin­guent profondément des autres philosophes de cette école et lui donnent une physionomie tout à fait originale. La psychologie de Bonnet est contenue dans l’Essai analytique des facultés de l’âme. Le plan de l’ouvrage est le même que celui du Traité des Sensations qui parut à peu près à la même époque. Bonnet, comme Con­dillac, imagine une sorte de statue vivante dont il ouvre ou ferme, pour ainsi dire, chaque sens à volonté, afin d’étudier la série d’impressions, d’idées qui découlent de chacun de ces sens iso­lés ou combinés ensemble. Mais l’Essai ana­lytique se distingue du Traité des Sensations par le mélange de la physiologie avec la psy­chologie. L’homme, selon Bonnet, est un être mixte, un composé de deux substances, l’une immatérielle, l’autre corporelle. L’homme n’est pas une certaine âme, il n’est pas non plus un certain corps, mais le résultat de l’union d’une certaine âme à un certain corps. Pour connaître l’homme, il faut donc l’étudier dans son âme et dans son corps. Mais comment peut-on l’étudier dans son âme ? Selon Bonnet, on ne peut étudier l’âme en elle-même, parce que l’âme ne peut ni se voir ni se palper. Nous ne pou­vons rien savoir de ce qui se passe dans l’âme que par l’étude du jeu et du mouvement des organes qui nous le représente. « J’ai mis dans mon livre beaucoup de physique et assez peu de métaphysique ; mais en vérité que pou­vais-je dire de l’âme considérée en elle-même ? nous la connaissons si peu ! L’homme est un être mixte, il n’a des idées que par l’intervention des sens, et ses notions les plus abstraites dé­rivent encore des sens. C’est sur son corps et par son corps que l’âme agit. 11 faut donc tou­jours en revenir au physique comme à la pre­mière origine de tout ce que l’âme éprouve ; nous ne savons pas plus ce que c’est qu’une idée dans l’âme, que nous ne savons ce qu’est l’âme elle-même ; mais nous savons que nos idées sont attachées à certaines fibres ; nous pouvons donc raisonner sur ces fibres, parce que nous les voyons ; nous pouvons étudier un peu leurs mouvements, les résultats de leurs mou­vements et les liaisons qu’elles ont entre elles. » (Préf. de l’Essai analytique sur les facultés de l’âme.)

Toutes les idées viennent des sens ; les idées ne peuvent être étudiées que dans les fibres qui en sont les organes : tels sont les deux grands principes de la psychologie de Charles Bonnet. Les fibres nerveuses jouent le rôle le plus im­portant dans cette psychologie. C’est par l’action des fibres nerveuses qu’il entreprend de rendre compte de tous les phénomènes de la pensée sans exception. Toutefois, il n’identifie pas l’ac­tion de la fibre nerveuse avec la pensee ; c’est l’action de la fibre qui éveille la pensée, mais elle ne se confond pas avec elle. Comment l’é­branlement d’une fibre peut-il produire la pensée ? Bonnet n’a pas la prétention de l’expli­quer ; il déclare cette action de deux substances opposées l’une sur l’autre un mystère profond qu’en vain l’intelligence tenterait d’éclaircir. Mais si nous ignorons comment l’ébranlement de la fibre produit la pensée, nous savons très-bien que cet ébranlement est la condition indispensable de l’existence des idées. Puisque les idées considérées en elles-mêmes échappent à notre observation, ce sont les mouvements des fibres qui les produisent que le psychologue doit observer et étudier. Si les fibres ne sont pas nos idées elles-mêmes, elles sont les organes, les signes de nos idées, et c’est seulement en étu­diant les rapports du mouvement de ces fibres, qu’on peut saisir les rapports et la génération de nos idees.

L’erreur de Charles Bonnet est d’avoir mé­connu le fait si évident de la conscience immé­diate de ce qui se passe au dedans de nous, le fait du moi se sachant et s’observant lui-même, sans l’intermédiaire d’aucune espèce d’organe. Néanmoins, on ne peut l’accuser de matérialisme, puisqu’il soutient la distinction de la fibre et de l’idée, la distinction de l’âme et du corps.

L’Essai analytique est rempli d’ingénieuses hypothèses de physiologie sur la mécanique des sens, pour me servir d’une expression de Char­les Bonnet. Chaque nerf, selon lui, se compose d’une multitude de fibres infiniment déliées qui toutes viennent aboutir au cerveau. Non-seulement la structure de ces fibres varie pour cha­que sens, mais encore dans chaque espèce de sens