13in-8, ib., 1770. Ses œuvres complètes ont paru à Neulchàtel, de 1779 à 1783, en 8 vol. in-4, ou 18 vol. in-8. —Voy. aussi Mémoire pour servir à l’hisloire de la vie et des ouvrages de Bonnet, par Jean Trembley, in-8, Berne, 1794 ; Tableau de la littérature française au xvme siècle, par M. Villemain, 19eleçon·"—Ch. Bonnet de Genève, philosophe et naturaliste, par A. Lemoine. Paris, 1850, in-8.F. B.
BONSTETTEN (Charles-Victor de) naquit en 1745, à Berne, d’une noble et ancienne famille. Après avoir commencé ses études dans sa ville natale, il les continua à Yverdun et à Genève, où il fit connaissance de plusieurs hommes du plus haut mérite, entre autres Voltaire et Charles Bonnet. Mais ce fut ce dernier qui exerça sur son esprit le plus d’influence, et dont il resta toute sa vie le disciple et l’ami. Après avoir passé quelques années à Genève, Bonstetten, toujours dans l’intérêt de son instruction, se rendit successivement à Leyde, à Cambridge, à Paris, puis il visita aussi une grande partie de l’Italie. De retour en Suisse, il fut nommé membre du conseil souverain de Berne, puis bailli de Sarnen. Pendant qu’il exerçait les mêmes fonctions à Nyon, il se lia d’amitié avec le poëte Matthison et avec le célèbre historien Jean de Muller. Les troubles de son pays l’ayant forcé de fuir, il se rendit de nouveau en Italie, puis à Copenhague, où il resta trois ans chez un de ses amis. Enfin il passa le reste de sa vie à Genève, où il mourut au commencement de 1832.
Malgré l’influence exercée sur son esprit par les écrits de Leibniz et de Bonnet, Bonstetten ne manque pas d’originalité. Il règne dans quelques-uns de ses ouvrages une profonde connaissance des hommes, une rare finesse d’aperçus, des vues neuves, élevées, des sentiments toujours nobles et généreux, et un remarquable talent d’observation. Mais il y a deux hommes à considérer dans Bonstetten:le moraliste et le philosophe. C’est au moraliste qu’appartiennent toutes les qualités que nous venons d’énumérer ; le philosophe proprement dit est beaucoup moins bien partagé ; et lorsqu’on le considère uniquement sous ce dernier point de vue, Bonstetten est bien au-dessous de sa réputation. Ses analyses psychologiques manquent d’exactitude et de profondeur ; ses idées, en général, se suivent sans ordre et sont développées sans nulle rigueur ni méthode. On retrouve dans son lanage les défauts de sa pensée. Son style est plein’images, de chaleur et quelquefois d’élégance; mais il manque de précision et de clarté, et ne saurait satisfaire ceux qui ont le besoin ou l’habitude de s’entendre avec eux-mêmes. Ses principaux ouvrages sont:Recherches sur la nature cl les lois de l’imagination, 2 vol. in-8, Genève, 1807 ; Études de l’homme, ou Recherches sur les facultés de senlir et de penser. 3 vol. in-8, Genève et Paris, 1821 ; Sur l’Education nationale, 2 vol. in-8, Zurich, 1802 ; Pensées sur divers objets de bien public, in-8, Genève, 1815 ;
- l’Homme du midi el l’Homme du nord, in-8, Genève, 1814. Ce dernier ouvrage, d’ailleurs plein d’intérêt, avait été composé en 1789. Depuis cette époque, l’auteur avait revu l’Allemagne et l’Italie, et il déclare qu’au moment où il publie son ouvrage, les idées qu’il y exprime se sont beaucoup modifiées avec les laits eux-mêmes. Néanmoins il semble toujours laisser la préférence à l’homme du nord sur l’homme du midi. On a aussi de Bonstetten plusieurs recueils de lettres dont la lecture ne manque pas d’attrait.J. T.
BORDAS (Jean), philosophe français, né en 1798 au hameau de la Bertinie, arrondissement de Bergerac, et plus connu sous le nom deBordas-Démoulin, qu’il adopta par caprice. Orphelin de bonne heure, recueilli et élevé pieusement par une tante, il fut envoyé à l’âge de quinze ans au collège de Bergerac, où il montra peu de goût pour les lettres et une aptitude plus grande pour les mathématiques. 11 était médiocrement instruit, lorsqu’il arriva en 1819 à Paris, sans autre dessein que d’y travailler à son esprit. Il était alors préoccupé et hésitant entre deux passions ordinairement inconciliables, l’enthousiasme pour le christianisme, et le dévouement à la révolution française ; ses auteurs étaient à la fois de Bonald, de Maistre et Condorcet ; il mêlait de profondes études de théologie et de droit canonique à la lecture des philçsophes et des mathématiciens; et déjà se préparait la grande conviction qui a été l’originalité et l’unité de sa vie, celle de l’harmonie profonde du christianisme et de la civilisation moderne. Au bout de quelques années, il avait dévoré son patrimoine, et ne s’était créé aucune ressource. Insouciant de ses intérêts, ombrageux et sauvage, il souffrit toutes les extrémités de la misère, pendant six années qui laissèrent en lui une longue impression de tristesse. Employé d’abord comme homme de peine chez un libraire, puis contrôleur d’omnibus, il finit par rester sans place, sans argent. Souvent contraint de garder le lit toute la journée, il quittait le soir sa mansarde de la rue des Postes, et se risquait dans les rues pour y respirer, parfois même pour y chercher quelque vieille paire de souliers. Il était résolu à se laisser mourir, quand sa destinée s’adoucit un peu, sans jamais lui devenir clémente : quelques leçons, quelques articles dans les journaux ou dans les revues le mirent à l’abri de la faim. Mais il n’était pas de ceux qui savent forcer la fortune à les favoriser. Penseur isolé et peu compris, il était suspect au clergé qui l’accusait de jansénisme et d’hérésie, et aux philosophes qui blâmaient justement en lui le mélange du dogme et de la science. Il avait d’ailleurs un orgueil immense, au-dessus même de son mérite très-réel, et un caractère intraitable et violent. En 1834, il publiait une Lettre sur l’Ècleclisme et le Doctrinarisme, où il critiquait avec amertume l’école alors florissante de M. Cousin, et reprochait à son chef « son intolérance, son irréligion et son hypocrisie. » Quelques années plus tard il recourait à la bienveillance de son adversaire pour obtenir l’impression dans les Mémoires de l’Académie des sciences morales d’un article sur Platon. L’homme qu’il avait violemment attaqué se montra bienveillant et empressé pour lui, et ne cessa depuis de lui donner des marques d’intérêt. Mais Bordas ne lui pardonna pas de ne pas s’être rendu à ses objections et d’avoir résisté aux séductions de « la philosophie des idées. » Son amour-propre fut cruellement froissé, lorsque, dans le concours de 1840, l’Académie partagea entre lui et M. Fr. Bouillier le prix destiné à une histoire du cartésianisme : ce succès, qu’il obtint encore plus tard dans les mêmes conditions à l’Académie française, pour un éloge de Pascal, lui parut un déni de justice et une offense à son génie. Vers le même temps, il se brouillait brusquement avec un homme généreux qui Pavait soutenu et nourri pendant de longues années, l’abbé Sénac, aumônier du collège Rollin, et auteur du Christianisme considéré dans scs rapports avec la civilisation moderne (Paris, 1837), ouvrage auquel Bordas a sûrement collaboré. 11 avait peu a amis ; encore moins de disciples, et l’on n’en citerait qu’un seul qui lui soit resté fidèle, le regrettable