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Rationalisme chrétien à la fin du onzième siècle, Paris, 1842. L’auteur y donne une traduction des deux ouvrages si connus de saint Anselme, et de l’opuscule de Gaunilon, le Liber pro insipiente, et dans une longue introduction il explique le sens des démonstrations de saint Anselme et les compare à celles que d’autres grands philosophes ont proposées. Du reste l’histoire des preuves de l’existence de Dieu était pour lui un sujet de prédilection. On le trouve traité dans plusieurs Mémoires insérés dans le recueil des savants étrangers de l’Académie des sciences morales et politiques. On trouvera dans la même collection un Mémoire sur la notion de Dieu dans ses rapports avec l’imagination et la sensibilité (t. II, 1847), et un autre intitulé:de la Per­sistance de la personnalité après la mort. Dans ces divers écrits M. Bouchitté défend les vérités religieuses, comme l’école spiritualiste à laquelle il se rattache ; malgré une extrême circonspection, il ne manque pas de l’indépendance nécessaire au philosophe; des juges rigoureux estiment qu’il manque plutôt de méthode et de concision. Il a donné plusieurs articles à la première édition de ce dictionnaire.

bouddhisme. On désigne sous ce nom une doctrine philosophique et religieuse, sortie du sein du brahmanisme indien, à une époque qui remonte, selon les autorités chinoises, à mille ans avant notre ère, et selon les autorités in­diennes, ou d’origine indienne, à cinq ou six cents ans seulement avant la même époque.

Le fondateur de cette doctrine, qui est répan­due aujourd’hui, sous deux formes, sur la vaste surface de l’Asie, Indien d’origine et de nais­sance, appartenait à la famille royale de Magadha, aujourd’hui partie méridionale de la province du Béhar. Cette famille, selon le Vichnou-Pourâna, était celle à’Ikchwakou, dans laquelle le fondateur du bouddhisme porta le nom de S’âkya, ce qui l’a fait considerer, par quelques écrivains, comme ayant appartenu à la race des Saces ou Scythes.

Le nom de Bouddha signifie en sanscrit : celui qui a acquis la connaissance absolue des choses. Le célèbre encyclopédiste chinois Mathouan-lin, en parlant de Bouddha, dit : « qu’il quitta sa maison pour étudier la doctrine ; qu’il réçla ses actions et fit des progrès dans la purete, qu’il apprit toutes les connaissances et qu’on l’appela Fo (ou Bouddha). Ce mot étranger, ajoute-t-il, signifie la connaissance absolue, l’intelligence pure, l’intelligent par excellence. » Selon les traditions et les légendes, S’âkya Bouddha se sentit poussé à sa mission de réformateur du brahmanisme, par la vue du spectacle des mi­sères humaines et par une immense commiséra­tion pour les souffrances du peuple. Il se retira un grand nombre d’années dans le désert pour méditer et préparer sa nouvelle doctrine dans laquelle il repoussa formellement l’autorité des Védas ; ensuite il alla avec quelques disciples la prêcher dans les principales villes de l’Inde, entre autres à Bénarès, où sont établis, depuis la plus haute antiquité, les grands collèges des Brahmanes ; ceux-ci enseignaient alors et en­seignent encore la distinction imprescriptible de dillérentes castes parmi les hommes, dont l’une, la plus éminente, celle des Brahmanes, est destinée, par sa nature, à la suprématie intel­lectuelle et religieuse ; dont l’autre, celle des Kcliatriyas, ou guerriers, · est destinée, par sa nature, au métier des armes et au commande­ment militaire ; dont la troisième, celle des Vais’yas, est destinée, par sa nature, au com­merce et à l’agriculture, et dont la quatrième^ celle des S’oudras, est destinée, par sa nature, à servir les trois premières. A l’époque où parut Bouddha, le brahmanisme indien, essentiellement fondé sur cette distinction des castes et soumis à toutes les pratiques religieuses prescrites dans les Védas et dans les anciennes lois de Manou, était dominant, exclusivement dominant, dans l’Inde. Cependant, autant que les monuments connus jusqu’ici peuvent permettre de le con­jecturer, il s’était déjà manifesté plus d’une protestation philosophique contre l’intolérant en­seignement des brahmanes. La secte des Djaînas, qui a dû peut-être à cette circonstance d’être restée longtemps à l’état de spéculation philo­sophique, la faveur d’être tolerée dans l’Inde, tandis que le bouddhisme passé à l’état de re­ligion essentiellement propagandiste, en a été violemment expulsé, dans le ve et le vie siècle de notre ère ; la secte des Djaînas, disons-nous, dont la doctrine philosophique a tant d’analogié avec celle des bouddhistes, existait déjà dans l’Inde lorsque Bouddha parut, et un passage du Bhâgavata Pourâna, cité par Μ. E. Burnouf (Journal Asiat., t. VII, p. 201), ferait croire que ce grand réformateur appartenait à cette secte philosophique. Voici ce passage :

« Alors, dans la suite du temps, à une époque de confusion et de trouble causés par les ennemis des dieux, un fils de Djina (un Djâina), du nom de Bouddha, naîtra parmi les Kikât’as (habitants du Magadha). »

Les sectateurs de Bouddha, comme ceux de Lao-tseu, ont cru rehausser le mérite et les vertus de ces deux personnages historiques en leur attribuant une origine céleste et en entourant de prodiges leur vie terrestre. Ce n’est point ici le lieu de rapporter tout ce que les légendes bouddhiques déjà connues racontent sur k nais­sance et la vie de Bouddha. Notre devoir, au contraire, est de dégager de ces légendes les seuls traits qui peuvent être considérés comme historiques, et de faire connaître en quoi le bouddhisme a droit de trouver place dans un Dictionnaire des sciences philosophiques.

Ayant atteint sa dix-neuvième année, S’âkya Bouddha, selon ces légendes, désira quitter sa famille et toutes les jouissances d’une demeure royale pour se consacrer tout entier au bien des hommes. Il réfléchit sur le parti qu’il devait prendre. Il vit aux quatre portes par où il pouvait passer, c’est-à-dire au levant, au midi, au couchant et au nord, régner les quatre degrés de la misère humaine, et son âme en fut pénetrée de douleur. Au milieu même des joies de son âge, il ne pouvait s’empêcher de penser aux maux nombreux qui affligent la vie : à la vieillesse, aux maladies, à la mort et à la destruction finale de l’homme.

Il séjourna de trente à quarante ans dans les forêts de l’Inde, peuplées alors de religieux pé­nitents et de philosophes de toutes sectes (au nombre desquels étaient ceux que les Grecs du temps d’Alexandre appelèrent Gymnosophistes, ou philosophes nus). Là, Bouddha chercha à s’instruire, à constituer sa doctrine, à l’enseigner à un certain nombre de disciples et ensuite à la propager par son enseignement. Il essaya même, comme nous l’avons dit précédemment, de con­vertir les Brahmanes, qui soutinrent avec lui de longues controverses auxquelles assistèrent, diton, des mages ou sectateurs de Zoroastre venus de la Perse pour l’entendre et le combattre. Mais ses prédications eurent peu de succès, si l’on s’en rapporte aux légendes mêmes ; car il sentit la nécessité de communiquer sa doctrine complète à quelques-uns de ses disciples en leur donnant la mission de la propager après sa mort par tous les moyens qui seraient en leur pouvoir. Il s’adressa ainsi à son disciple favori Manà Kàçyapa (