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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/238

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de la seconde République, et après avoir publié quelques ouvrages de physiologie et d’his­toire, mourut en 1866.

La philosophie de Bûchez est celle de l’école théologique ; elle ressemble beaucoup à celle de de Bonald, malgré la différence des conclusions ; elle s’inspire visiblement des opinions de Rosmini et elle se rapproche, malgré sa grande in­fériorité métaphysique, de la doctrine de BordasDémoulin, qui poursuit le même but ou plutôt la même chimère, la confusion de la science et de la révélation… Elle manque surtout de profon­deur et de cohésion ; et malgré ses prétentions à roriginalité, Bûchez, qui laisse voir à chaque page une ignorance profonde des travaux des philoso­phes anciens et modernes, reproduit sous le nom d’innovations des erreurs souvent proposées avec plus de vraisemblance. 11 se croit appelé à ouvrir une voie inconnue à la science, qui jusqu’à ce moment est restée païenne. Les Grecs qui, d’a­près lui, sont les serviles imitateurs des prien taux, l’ont corrompue à sa source, et les chrétiens, y compris saint Thomas, qui est convaincu de paganisme, n’ont fait que degager plus nettement de cette masse confuse les fléaux qu’elle enve­loppe, à savoir le matérialisme, le panthéisme, et surtout l’éclectisme. Il faut restituer à la phi­losophie la vérité religieuse, fondée sur la révé­lation, et la vérité historique qui se résume dans la loi du progrès. L’intelligence humaine est mal connue, on en a dénaturé le fait capital, à savoir l’idée. L’idée est un phénomène complexe, im­pliquant deux éléments inséparables, à savoir, un acte de l’esprit et un mouvement moléculaire du cerveau. L’impression n’est pas seulement un an­técédent ou une condition de la pensée, elle en est une partie constitutive ; on ne l’en dégage que par une abstraction artificielle ; le fait cérébral et le fait intellectuel ne sont rien indépendam­ment l’un de l’autre, et le spiritualisme pur est aussi faux que le matérialisme. Si l’on objecte qu’il est difficile d’expliquer par là certaines idées et entre autres celle de l’infini, Bûchez répond que cette idée se produit en nous par la répétition de nos actions et par la pensée que nous pouvons les répéter toujours, infiniment.

  1. croit de bonne foi que cette explication est dé­cisive, et non moins sincèrement qu’elle n’a rien de commun avec le sensualisme. Cependant nous avons des idées qui ne viennent pas des sens : celle de l’àme, celle de Dieu, celle du devoir. Faut-il admettre qu’il y a un mode de penser tout à fut pur et isole de l’activité cérébrale ; faut-il reconnaître cette faculté mystérieuse qu’on ap­pelle la raison ? Sans doute la raison est natu­relle à l’homme, mais elle est « un fait physique et animal, >· comme la connaissance. Ces idees qui sont hors de sa portée, nous viennent d’une révélation, et la première parole révélée c’est celle du aevoir ; « la morale, loi de la fonction humaine. » vérité originelle qui sert de critérium à toutes les autres, et à la révélation elle-même, toujours connue, toujours entendue, principe de toute science, bien au-dessus des principes mé­taphysiques, source d’action et de connaissance pour l’individu, idéal d’organisation pour la so­ciété. Cette parole féconde crée en nous-même la conscience morale, c’est-à-dire la faculté de l’en­tendre, car il n’y a rien d’inné dans nos âmes ; le monde extérieur d’une part, et la révélation de l’autre, y mettent tout ce que nous appelons nos idées. Nous sommes même obligés de raison­ner pour nous convaincre qu’il y a un Dieu ; et la meilleure sinon la seule preuve qu’on en puisse fournir, c’est que nous parlons, impuissants, comme nous sommes, à inventer le langage. Voilà le « complément du catholicisme. » Voilà aussi le but du progrès, marqué d’avance, imposé et non choisi, révélé et non découvert par l’hom­me. Néanmoins l’expérience nous montre que le progrès est la loi universelle de la création, et conlirme cette nécessité d’une ascension vers le meilleur. On en découvre les preuves dans les couches superposées du globe, dans la formation successive d’êtres vivants de plus en plus parfaits, dans les évolutions de la vie depuis ses premiers efforts dans l’embryon, jusqu’à son épanouisse­ment dans l’animal complet. Partout la matière obéit à Dieu qui en diminue la passivité, non pas par son action directe, mais par celle aes êtres qu’il crée successivement. Le monde est donc im­parfait, mais il le sera de moins en moins : « Dieu le fera meilleur. » Quant à nous, sans doute nous devons disparaître et faire place à d’autres créa­tures moins misérables ; mais l’avenir ne nous en appartient pas moins. Nous ne sommes en défi­nitive, chacun pris à part, qu’un mot de Dieu ; « nous retournerons prendre place dans sa mé­moire, et y représenter notre existence terrestre tout animee encore des sentiments de la terre. » Toutes ces idées sont mêlées à des vues scienti­fiques qui, suivant le jugement de Geoffroy SaintHilaire (Revue encyclopédique, juillet et août 1833), ne sont pas plus solides que la philosophie aventureuse dont on vient de lire l’esquisse. Voy. Damiron, Essai sur l’histoire de la philosophie au xixe siècle. Paris, 1834, t. II ; Jules Simon, Philosophie ae M. Bûchez, Revue des Deux-Mon­des, 15 mai 1841 ; Ott, Manuel d’histoire uni­verselle, Paris, 1842.E. C.

BUDDÉE ou BUDDEUS (Jean-François). qu’il ne faut pas confondre avec notre Guillaume Budé, naquit en 1677 à Anklam, dans la Poméranie. Après avoir terminé ses études à l’université de Wittemberg, il enseigna successivement la phi­losophie à lena, les langues grecque et latine au gymnase de Cobourg, la morale à Halle ; puis il revint à Iéna en 1705, pour y occuper une chaire de théologie, et mourut en 1729. Plus théologien que philosophe, plus distingué comme professeur que comme écrivain, Buddée a cependant rendu de grands services à la science philosophique par ses recherches sur l’histoire de la philosophie, et les ouvrages qu’il publia sur ce sujet ont obtenu, pendant un temps, une véritable estime. Il a combattu le dogmatisme de Wolf, et s’est déclaré franchement éclectique ; cependant l’on se trom­perait si l’on croyait que cet éclectisme fût en­tièrement au profit de la science et de la raison. Dans les questions difficiles, mais qui sont pour­tant du ressort de la philosophie, Buddée en ap­pelle souvent à la révélation et ne recule pas même devant le mysticisme. C’est ainsi qu’il cherche à établir psychologiquement, comme un fait possible, l’apparition des esprits et leur in­fluence sur l’âme humaine. Il est plus heureux lorsqu’il soutient, contre Descartes, que la nature de l’esprit ne consiste pas dans la seule pensée, et qu’il cherche à établir l’influence de la volonté. Maissoitdanslavolonté, soit dans la pensée ou l’en­tendement, Buddée reconnaît deux états : l’état de maladie et l’état de santé. L’entendement souffre dans le doute, dans l’erreur, dans la défiance, dans l’étonnement même. Les maladies de la volonté peuvent toutes se réduire à l’égoïsme. Il reconnaît aussi des altérations des fonctions de l’âme qui ont leur source dans le corps, et qu’i 1 expl ique en même temps par le dogme de la chute de l’homme ; tels sont la folie, le délire, l’idiotisme, et, en général, toutes les infirmités de ce genre. Dans ses recher­ches historiques, Buddée est plein de conscience et d’érudition ; mais sa critique manque de profon­deur. Voici la liste de ceux de ses écrits qui peu­vent intéresser ce Recueil : Historia juris natu'vœ,