fondamental de toute véritable doctrine morale et politique, la base de la conduite privée et publique de tout homme qui veut accomplir sa destinée, laquelle est la loi du devoir. Rien de variable, d’arbitraire, de contingent dans les préceptes de la loi au devoir, qui consiste dans le perfectionnement de soi-même et des autres hommes sur lesquels nous sommes appelés à exercer une action. Il suit de ces principes que celui-là seul qui exerce un continuel empire sur lui-même, qui n’a plus de passion que pour le bien public, le bonheur de tous, qui est arrivé à la perfection enfin, peut dignement gouverner les autres hommes.
Les disciples de Confucius et les philosophes de son école, qui, comme Meng-tseu, sans avoir reçu son enseignement oral, en continuent la tradition, professent les mêmes doctrines ; seulement, ils leur ont donné un plus grand développement. Ce qui n’était qu’en’germe dans les écrits ou dans les paroles du maître a été fécondé, et même souvent ce qui n’y était que logiquement contenu en a été déduit avec toutes ses conséquences. C’est ainsi que l’on trouve dans Meng-tseu une dissertation sur la nature de l’homme (k. vi), qui fait connaître parfaitement l’opinion de l’école sur ce sujet. Meng-tseu y soutient que le principe pensant de l’homme est naturellement porté au bien, et que s’il fait le mal, c’est qu’il y aura eu une contrainte exercée par les passions sur le principe raisonnable de l’homme ; il s’ensuit qu’il devait admettre le libre arbitre, et, par conséquent, la moralité des actions. Ce libre arbitre était aussi reconnu par Confucius ; mais Meng-tseu l’a mieux fait ressortir de ses discussions. Ainsi il veut prouver à un prince que s’il ne gouverne pas comme il doit gouverner pour rendre le peuple heureux, c’est parce qu’il ne le veut pas, et non parce qu’il ne le peut pas : il lui cite entre autres exemples celui d’un homme à qui l’on dirait de transporter une montagne dans l’Océan, ou de rompre un jeune rameau d’arbre ; s’il répondait, dans les deux cas, qu’il ne le peut pas, on ne le croirait que dans le premier ; la raison s’opposerait à ce qu’on le crût dans le second.
Il serait impossible de parler ici de tous les philosophes de l’école de Confucius qui appartiennent à cette période. Nous nous bornerons à citer Thsêng-tseu et Tseu-sse, disciples de Confucius, et qui publièrent les deux premiers des Quatre livres classiques. Leplus célèbredes autres philosophes est Sun-tseu, qui vivait environ 220 ans avant notre ère. Celui-ci avait une autre opinion que celle de Meng-tseu sur la nature de l’homme, car il soutenait que cette nature était vicieuse, et que les prétendues vertus de l’homme étaient fausses et mensongères. Cette opinion pouvait bien lui avoir été inspirée par l’état permanent des guerres civiles auxquelles les sept royaumes de la Chine étaient livres de son temps.
Ce même Sun-tseu distinguait ainsi l'existence matérielle de la vie. la vie de la connaissance, et la connaissance clu sentiment de la justice : « L’eau et le feu possèdent l’élément matériel, mais ils ne vivent pas ; les plantes et les arbres ont la vie, mais ils ne possèdent pas la connaissance ; les animaux ont la connaissance, mais ils ne possèdent pas le sentiment du juste. L’homme seul possède tout à la fois l’élément matériel, la vie, la connaissance et, en outre, le sentiment de la justice. C’est pourquoi il est le plus noble de tous les êtres de ce monde. »
Troisième période. Depuis Yang-tseu, qui florissait vers le commencement de notre ère, il faut franchir un intervalle de près de mille ans pour arriver à la troisième période de la philosophie chinoise. Ce fut seulement sous le règne des premiers empereurs de la dynastie de Soung (960-1119 de notre ère) que se forma une grande école philosophique, laquelle eut pour fondateur Tcheou-lien-ki ou Tchéou-tseu, pour promoteurs les deux Tching-tseu, et pour chef le célèbre Tchou-hi. Le but hautement avoué de cette nouvelle école est le développement rationnel et systématique de l’ancienne doctrine, dont elle se donne comme le complément.
L’établissement en Chine de deux grandes écoles rivales, celle de Lao-tseu ou du Tao, et celle de Fo ou Bouddha, importée de l’Inde en Chine vers le milieu du Ier siècle de notre ère, avait dû nécessairement susciter des controverses avec les lettrés de l’école de Confucius. Ces controverses durent aussi faire reconnaître les lacunes frappantes qui existaient dans les doctrines de cette dernière école, concernant l’existence et les attributs d’une première cause, ettoutes les grandes questions spéculatives à peine effleurées par l’école de Confucius, et qui avaient reçu une solution quelconque dans les écoles rivales. Aussi les plus grands efforts de l’école des lettrés modernes, que l’on pourrait appeler Néoconfucéens, s’appliquèrent-ils à ces questions ontologiques. Mais, afin de donner plus d’autorité à leur système, ils prétendirent l’établir sur la doctrine de l’ancienne école.
Quoi qu’il en soit, Tchéou-lien-ki s’empara de la conception de la cause première ou du grand faite ( Taï-ki), placé, pour la première fois, dans les Appendices du Y-Kîng, au sommet dé tous les êtres, pour construire son système métaphysique. Mais il en modifie, ou plutôt il en détermine la signification, en nommant son premier principe le sans faîte et le grand faîte, que l’on peut aussi traduire par l’illimité et le limité, l’indistinct et le dernier terme de la distinction ; l’indéterminé et le point culminant de la détermination sensible.
Voilà le premier principe à l’état où il se trouvait avant toute manifestation dans l’espace et le temps, ou plutôt avant l’existence de l’espace et du temps. Mais il passe à l’état de distinction, et par son mouvement il constitue le principe actif et incorpopel ; par son repos relatif il constitue le principe passif et matériel. Ces deux attributs ou modes d’être sont la substance même du premier principe et n’en sont point séparés.
Viennent ensuite les cinq éléments : le feu, Veau, la terre, le bois, le métal, dont la génération procède immédiatement du principe actif et du principe passif, lesquels, comme nous l’avons déjà dit, ne sont que des modes d’être du grand faîte.
Cependant, le Taï-ki ou grand faîte n’en est pas moins la cause première efficiente à laquelle, en tant que cause efficiente et formelle, on donne le nom de Li. « Le Taï-ki, dit Tchou-hi, est simplement ce Li ou cette cause efficiente du ciel et de la terre et de tous les êtres de l’univers. Si on en parle comme résidant dans le ciel et la terre, alors dans le sein même du ciel et de la terre existe le Taï-ki ; si on en parle comme résidant dans tous les êtres de l’univers, alors même dans tous les êtres de l’univers, et dans chacun d’eux individuellement, existe le Taï-ki. Avant l’existence du ciel et ae la terre, avant l’existence de toutes choses, existait cette cause efficiente et formelle Li. Elle se mit en mouvement et engendra le Yang (le principe actif), lequel n’est également que cette même cause efficiente Li. Elle rentra dans son repos et engendra le Yn (le principe passif), lequel n’est encore que la cause efficiente Li. » (Tchou-tseu'tsiouan-choû, k. 49, f0· 8-9.)