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en faisant différentes conjectures, et examinant ensuite laquelle de ces conjectures s’accorde le mieux avec ce que la mémoire a retenu du fait qu’il s’agit de ressusciter tout entier ; tantôt en considérant successivement les diverses circonstances non oubliées, de telle sorte que celles dont nous avons perdu la mémoire reviennent à notre esprit par suite du rapport naturel qui primitivement les unissait toutes ensemble. Dans l’un et l’autre cas l’idée se réveille en notre esprit, non par suite de l’action immédiate de la volonté, mais en vertu d’une des lois de notre constitution intellectuelle. Le pouvoir de l’homme sur ses pensées consiste principalement à fixer sous l’œil de la conscience l’une des idées qui se suivent spontanément dans l’esprit, et à concentrer sur elle toute son attention. Alors, au lieu de se laisser aller à d’autres idées, liées avec celle qu’il a retenue par des rapports apparents et superficiels, il s’arrête exclusivement aux relations réelles et profondes de cause et d’effet, de conséquence et de principe. Dans des considérations ingénieuses sur le rêve, Dugald Stewart prouve que nos idées s’y succèdent de la même manière, et en vertu des mêmes lois que pendant la veille. Toute la différence de ces deux états vient de la volonté, qui, absente dans le premier, ne laisse subsister que des rapports fortuits, tandis que dans le dernier elle dirige et gouverne le cours de nos pensées.

Dugald Stewart ne montre pas moins de sagacité et de talent d’observation lorsqu’il examine quelle est l’influence de l’association des idées sur nos facultés actives et intellectuelles. Il y a, selon lui, trois manières principales dont l’association des idées peut égarer nos opinions spéculatives : 1° en nous faisant confondre des choses distinctes ; 2° en nous faisant faire de fausses applications du principe fondamental de l’induction, c’est-à-dire de la croyance à la généralité et à la stabilité des lois de la nature : 3° en liant entre elles dans notre esprit des opinions erronées avec des vérités certaines et dont nous avons reconnu l’importance. analyse de la même manière, et à l’exemple d’Adam Smith, l’influence de l’association des idées sur les jugements qui ont pour objet le beau et le laid, et signale avec beaucoup de finesse et de vérité quelques-unes des causes qui amènent la corruption du goût littéraire ; mais il a commis une grave erreur en s’efforça nt d’expliquer le beau lui-même par l’association des idées. Enfin il nous montre quelle est l’influence de l’association des idées sur nos facultés • i’tivesetsur nos jugements moraux, et reproduit à ce sujet une foule d’observations qui se trouvent dans Adam Smith. Mais Dugald Stewart a sur i Smith l’avantage de ne s’être pas trompé sur le vrai principe de la morale ; il a nettement ■ii lingue, au contraire, le principe rationnel du devoir de l’intérêt ou du sentiment, avec lesquels Smitb et Locke l’avaient confondu. Dans un remarquable de ses Fragments philouques, M. Cousin a parfaitement apprécié le mi rite de Dugald Stewart comme moraliste. Dugald Stewart distingue avec, raison Passation des idées de la mémoire. 11 est vrai qu’entre l’une et l’autre il existe des rapports intimes ; mais, tu ■’■ : Ment

■ ni, car dan i la mémoire il y a, de [ue dan 1 1 an< e

à. l’exi tence de l’obj< t conçu, et] ni que. cet objel conçu a existé dans le p proprement parler, ce jugement qui constitue le fait de la mémoire. La fonction de la méi est de recueillir, de conserver, de reproduire les le l’expérience. De là différentes c°j de mémoire, selon qu’elles remplissent plus ou moins bien chacune de ces trois fonctions ; de là des mémoires faciles, tenaces, présentes. Dugald Stewart remarque avec raison que les mémoires faciles et présentes ne sont pas, en général, tenaces. Ce sont les hommes qui associent promptement les idées d’après leurs rapports les plus superficiels et les plus apparents qui ont la mémoire facile et présente, tandis que les hommes qui ont l’esprit profond, qui s’efforcent constamment d’associer leurs idées d’après leurs vrais rapports, ont une mémoire tenace, mais peu de facilité et de présence d’esprit.

Sur ces analyses on peut juger de l’esprit de la philosophie de Dugald Stewart en particulier, et de la philosophie écossaise en général, dont l’erreur fondamentale est de réduire la philosophie à l’étude de l’esprit humain, et l’étude de l’esprit humain à une statistique, à une histoire naturelle des phénomènes. Dugald Stewart exagère cette tendance, qui déjà se trouve manifestement dans Reid. Bien plus sévèrement que Reid il proscrit toute ontologie et rejette du sein de la philosophie, sous le nom d’hypothèses, toutes les questions qui dépassent l’observation des phénomènes. Toutefois Dugald Stewart lui-même, comme Reid, a dû plus d’une fois être infidèle à cette méthode sûre, mais un peu trop réservée sous peine de ne pas donner de réponse aux questions qui intéressent le plus vivement le genre humain. Ainsi, de même que Reid, il traite de Dieu et de ses attributs, et essaye de découvrir les fondements de la religion naturelle ; il discute même sur l’essence de la matière, et semble incliner au système de Boscowich : tant il est difficile, même avec l’esprit le plus systématique, de se soustraire aux lois et aux tendances naturelles de la pensée, et de ne pas aller de la surface au’ fond des choses, des phénomènes aux substances, des effets et des conséquences aux causes et aux principes !

Les principaux ouvrages de Dugald, Stewart qui ont été traduits en français sont : Éléments de la Philosophie de l’esprit humain, en trois parties, 3 vol. in-4, Édimb., 1792, 1814 et 1827 (la l re partie a été traduite par P. Prévost, 2 vol. in-8, Genève, 1808, et la 2° par Farcy, in-8, Paris, 1825 ; cette édition a été revue, corrigée et complétée par M. L. Peisse, Paris, 1843. 3 vol. in-12) ; — Esquisses de philosophie morale, in-4, Édimb., 1793 (traduite par Jouffroy, in-8, Paris, 1826) ; — Essais philosophiques, in-4, Édimb., 1810 (traduits en français par Ch. Hùret, in-8, Paris, 1828) ; — Considérations générales sur les progrès de la mêla physique, de la morale et de la politique, depuis la renaissance des lettres jusqu’à nos jours, servant d’introduction au supplément de V Encyclopédie britannique (traduites par Buchon, 3 vol. in-8, Paris, 1820) ; — Philo sophie des facultés actives el morales, 2 vol. in-.s, Édimb., 1828 (traduite par L. Simon, 2 vol. in-8, Paris, 1834).

. les Fragments de philosophie conlemporaine de M. V. Cousin. F. B.

DUMARSAIS ou nu Marsais (César-Chesni au), surnommé par d’Alembert le la Fontaine des philosophes, est un grammairien philosophe ap] liqué l’ob lei vation philosophique aux règles du langage. Né à Marseille en lo7t>, ilarjeune à. Paris, s’] lit recevoir avocat et, presse par la gène, quitta le barreau pour faire di édu i ions i i. Dans ce nombre se trouve comprise celle du fils de Law. Fatigue de relie vie dépendante, il ouvrit une pension au faubourg Saint-Victor. Il mourut pauvre et acc blé d infirmités en 1756 il fut un des collabo-