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et de tenir son rang dans une bibliothèque choisie. » Cet ouvrage parait en effet avoir été goûté du public ; car il eut les honneurs de la réimpression (J. II. Alsledii Encyclopœdia, etc., Herborn, 1625, in-f°, et Lyon, 1649, 2 vol. in-f°). Au moins peut-on affirmer qu’il rendit plus de services que les rêveries du même auteur sur l’ère bienheureuse de mille ans qui devait, sui­vant ses calculs, commencer en 1694. On peut consulter sur ce point et sur les travaux theolo— giques d’Alstedt l’article qui le concerne dans le Dict. hist. et crit. de Bayle.Ch. W.

AMAFANIXJS, l’un des premiers auteurs la­tins qui aient écrit sur la philosophie et fait con­naître à son pays la doctrine d’Épicure. C’est peut— être à cette circonstance qu’il faut attribuer la faveur que ce système rencontra tout d’abord chez les Romains. Nous ne connaissons Amafanius que par les ouvrages de Cicéron, qui lui reproche à la fois l’imperfection de son style et de sa dia­lectique (Acad., lib. I, c. iij Tuse., lib. IV, c. iii ; lb., lib. II. c. m), mais ne nous apprend rien de sa Diograpnie et des idées qu’il peut avoir ajoutées à celles de son maître.

AMAURY. AMARICUS, AMALRICUS, EL— MERICUS. né aux environs de la ville de Char­tres, vers la fin du xne siècle, avait fréquenté les écoles de Paris, et s’était rapidement élevé au rang des maîtres les plus habiles dans la dialec­tique et les arts libéraux. Doué d’une hardiesse d’esprit tout autrement remarquable que les pre­miers novateurs du siècle précédent, il paraît avoir conçu un vaste système de panthéisme, qu’il résumait dans les propositions suivantes : « Tout est un, tout est Dieu, Dieu est tout ; » ce qui le conduisait à regarder le Créateur et la créature comme une même chose, et à soutenir que les idées de l’intelligence divine créent tout à la fois et sont créées. Variant l’expression de sa pensée, il disait encore que la fin de toutes choses est en Dieu, entendant par là que toutes choses doivent retourner en lui pour s’y reposer éter­nellement et former un être unique et immuable (Muratori, Rerum ital., t. III, p. 1, col. 481 ; Gerson, Opp., t. IV ; Boulay ; Hist. acad. Paris., t. III, p. 23 et 48). Il est également impossible d’admettre qu’on a faussement attribué ces princi­pes à Amaury, comme le soupçonne Brucker [Hist. crit. phil., t. III. p. 688), et de n’y voir que le simple résultat ae ses méditations personnelles, comme on pourrait le conclure d’un passage de Rigord, historien contemporain, qui nous dit qu’Amaury suivait sa méthode propre, et pensait entièrement d’après lui-même (cité par M. deGé— rando, Histoire comparée des systèmes, 4 vol. in-8, Paris, 1822 ; t. IV, p. 425) ; mais c’est une question de savoir où il avaitpuisé des doctrines si contraires à l’esprit de son siècle. Quelques-uns veulent qu’il en ait trouvé le germe dans la mé­taphysique d’Aristote ; et, pour qui a étudié cet ouvrage et connaît l’esprit du péripatétisme, une telle conjecture admise, il est vrai, au xni° siè­cle, sera sans doute peu fondée. Thomasieus (Orig. hist. phil., n° 39) était beaucoup plus près de la vérité lorsqu’il attribuait les erreurs d’Amaury à l’influence de Scot Érigène. En effet, on retrouve textuellement dans le traité célèbre de Divisione natum les propositions qui consti­tuent à proprement parler la doctrine d’Amaury. Toutefois, il n’est pas impossible qu’il ait eu sous ses yeux quelques ouvrages récemment traduits, comme le livre de Causis, et le traité d’Avicébron, intitulé Fom Vitœ, ainsi que Jourdain le présume (Rech. sur l’àye et l’orig. des trad. latines d’Aristole, in-8, Paris, 1819, p. 210). Les étranges doctrines d’Amaury étaient en opposition trop ouverte avec l’orthodoxie, pour ne pas soulever une réprobation universelle. Le pape Innocent III les condamna en 1204 ; Amaury fut obligé de se retirer dans un monas* tère, ou il mourut en 1205 ; après lui, sa mé­moire fut proscrite ; et, en 1209, un décret du concile de Latran ordonna que son tombeau fût ouvert et ses cendres dispersées. Malgré cette persécution, la doctrine d’Amaury trouva des par­tisans, qui la poussèrent rapidement à ses der­nières conséquences. Suivant eux, le Christ et le Saint-Esprit habitaient dans chaque homme et agissaient en lui ; d’où il résultait que nos œu­vres ne nous appartiennent pas, et que nous ne pouvons nous imputer nos desordres. Ils niaient, d’après cela, la résurrection des corps, le paradis et l’enfer, declarant qu’on porte en soi le para­dis, quand on possède la connaissance de Dieu, et l’enfer quand on l’ignore. Ils traitaient de vaine idolâtrie les honneurs rendus aux saints, et n’at­tachaient, en général, aucune valeur aux prati­ques extérieures du culte. Parmi les sectateurs de ces opinions, on cite surtout David de Dinant (voy. ce nom). M. Daunou a consacré un long article à Amaury dans le tome XVI de VHistoirc littéraire de France.C. J.

AME. Chez les anciens, et même chez les phi­losophes du moyen âge, ce mot avait une signi­fication plus étendue et plus conforme à son ety— mologie, que chez la plupart des philosophes modernes. Au lieu de désigner seulement la sub­stance du moi humain, il s’appliquait sans dis­tinction à tout ce qui constitue, dans les corps organisés, le principe de la vie et du mouvement. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la célèbre définition d’Aristote : « L’âme est la première entéléchie d’un corps naturel, organisé, ayant la vie en puissance (de Anima, lib. II, c. i), c’est— à-dire la force par laquelle la vie se développe et se manifeste réellement dans les corps destinés à la recevoir (voy. le mot Entéléchie). » C’est en partant de la meme idée qu’on a distingué tantôt trois, tantôt cinq espèces d’âmes, à chacune des­quelles on assignait un centre, un siège et des destinées à part. Ainsi, dans le système de Platon, l’âme raisonnable est placée dans la tête, et peut seule prétendre à l’immortalité ; l’âme irascible, le principe de l’activité et du mouvement, réside dans le cœur ; enfin, l’âme appétitice, source des passions grossières et des instincts physiques, est enchaînée à la partie inférieure du corps et meurt avec les organes. Cette division est également attribuée à Pythagore, et se retrouve dans plu­sieurs systèmes philosophiques de l’Orient. Au lieu de trois âmes, Aristote en admet cinq : l’âme nutritive, qui préside à la nutrition et a la re­production, soit des animaux, soit des plantes ; l’âme sensitive, principe de la sensation et des sens ; la force motrice, principe du mouvement et de la locomotion ; l’âme appetitive, source du désir, de la volonté et de l’énergie morale, et en­fin l’âme rationnelle ou raisonnable. Les philo­sophes scolastiques, rejetant le désir et la force motrice parmi les simples attributs, les ont de nouveau réduites au nombre de trois, à savoir · l’âme végétative, l’âme sensitive ou animale, et l’âme raisonnable ou humaine. D’autres ont re­connu, en outre, l’âme du monde.

AME= AME = Mais s’il est vrai qu’il y ait dans tous les êtres organisés et sensibles, et même dans l’univers, considéré comme un être unique, un principe distinct de la matière, vivant de sa propre vie et agissant de sa propre énergie, une âme, en un mot, nous ne pouvons nous en assurer que par la connaissance que nous avons de nous-mêmes ; car notre âme est la seule que nous apercevions directement, grâce à la lumière intérieure de la conscience ; elle est la seule dont nous puissions découvrir