Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/72

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Ampère avait publié un programme dans lequel il exprimait la prétention de démontrer l’indépendance réciproque des phénomènes ma­gnétiques et électriques. Toujours prêt à aban­donner ses opinions pour la vérité mieux connue, le 11 septembre 1820, il accueillait avec enthou­siasme la preuve expérimentale, présentée à l’Académie des sciences, d’une découverte faite depuis un an par le Danois Œrsted, qui avait établi la dépendance réciproque de ces phéno­mènes, en constatant l’action des courants élec­triques sur l’aiguille aimantée. Par l’invention de l'aiguille asiatique, Ampère complétant la découverte de Yélectro-magnctisme, prouvait que tout courant électrique, quelque faible qu’il soit, quand son action n’est pas contrariée par celle de la terre, fait prendre à l’aiguille une position perpendiculaire à la direction du courant. Mais surtout, dès le 18 septembre 1820, il montrait à l’Académie un nouvel ordre de phénomènes, dits électro-dynamiques, c’est-à-dire les attrac­tions et les répulsions mutuelles de deux cou­rants électriques, suivant qu’ils vont dans le même sens ou en sens contraires. Puis, conti­nuant ses re : herches, non-seulement il suivait ces actions attractives et répulsives dans tous leurs détails accessibles à l’expérimentation à l’aide d’appareils merveilleusement combinés ; mais, de plus, appliquant aux données ainsi obtenues l’analyse mathématique, il démontrait, avec une certitude fondée sur l’expérimentation et sur le calcul, ce que l’expérimentation seule n’aurait pas pu atteindre directement : il arrivait ainsi aux lois premières de Y électro-dynamis­me, dans lesquelles Y électro-magnétisme rentrait comme cas particulier ; car Ampère prouvait qu’un fil parcouru par un courant électrique continu se dirige comme l’aiguille aimantée, et par l’inven­tion des solénoïdes, il montrait que tous les effets produits par un barreau aimanté le sont égale­ment par un système de courants électriques circulaires, parallèles entre eux, perpendiculaires à leur axe commun et très-rapprochés les uns des autres. Dès lors la force directrice du globe terrestre sur la boussole pouvait évidemment s’expliquer par l’existence de courants électriques circulaires, dirigés à la surface de ce globe dans le sens du mouvement de rotation. Toutes ces belles découvertes furent exposées par Ampère dans une série de mémoires publiés par lui de 1820 à 1827. Il laissait aux physiciens explorateurs la tâche de déterminer, par les observations ma­gnétiques aidées du calcul, les directions et les intensités de ces courants électriques dans toutes les contrées de la terre. Suivant une vue émise par lui à la fin de son hypothèse cosmogonique, la direction de ces courants de l’est à l’ouest est déterminée par l’action de la chaleur solaire sur la couche superficielle, dont elle diminue tem­porairement la conductibilité. Quoi qu’il en soit de cette dernière explication, la découverte des lois électro-dynamiques est une des plus admira­bles applications de la méthode physico-mathéma­tique dont Galilée a été le principal auteur et dont il avait bien compris les principes philosophiques (voy. art. Galilée).

lï nous reste à parler de la psychologie d’Arn— père et de sa classification philosophique des ronnaissan : es humaines. Avant d’examiner les résultats de ses travaux sur chacun de ces deux objets, il est nécessaire de faire l’histoire des études qui les ont produits. Commençons par la psychologie. En 1803, après la mort de sa pre­mière femme, il avait cherché avec ardeur les consolations religieuses ; mais bientôt il lui fallut, comme après la mort de son père, l’attrait d’uné étude nouvelle : il s’adonna avec passion à la philosophie, et se mit à la cultiver avec ses amis de Lyon. Nous avons les fragments d’un Mémoire inachevé qu’il préparait en 1803 sur une question de psychologie mise au concours pour 1804 par l’institut. 11 commençait en 1805 sa corres pondance philosophique avec Maine de Biran, ex-membre du Conseil des Cinq-Cents, retiré à la campagne près de Bergerac depuis 1798, et don1 le Mémoire sur l’habitude avait été couronné en 1802 et imprimé en 1803. Arrivé à Paris à la fin de 1805, Ampère se lia avec Cabanis, Destutt de Tracy et Gérando, anciens amis de Maine de Bi­ran. Il rédigeait les projets de divers ouvrages philosophiques, qui ne furent pas achevés. Mais, par la correspondance qu’il entretint ave^ Maine de Biran de 1805 à 1812 et en 1815, il prenait une part active à la naissance d’une philosophie qui se détachait peu à peu du sensualisme de Con dillacet du système de la sensation transformée. en constatant l’activité volontaire du moi, mé connue par l’école sensualiste et trop négligée même par Descartes ; de plus, à côté de la sen­sibilité et de la volonté, Ampère rétablissait la raison dans une partie de ses droits. La passion d’Ampère pour la philosophie devint telle, qu’en 1813, l’année même où il publiait deux im­portants mémoires d’analyse mathématique et ο i il se présentait en concurrence avec Poinsot pour la place laissée vacante à l’Académie des sciences par la mort de l’analyste Lagrange, il prenait, peut-être après l’échec de cette candidature, un profond dégoût pour les scien ; es mathématiques et physiques. Il négligeait de répondre à une lettre de Davy, pour n’avoir pas, disait-il, à s’oc­cuper de ces ennuyeuses choses, et il écrivait à ses amis de Lyon qu’il était presque décidé à renoncer aux etudes de ce genre, pour se donner tout entier à une science bien supérieure, à la psychologie, dont il se croyait destiné, disait-il. a poser les fondements pour tous les siècles. Cette passion exclusive pour la philosophie ne dura pas, et ce fut heureux ; car c’était à la physique qu’il devait bientôt rendre les plu— grands services, tandis que cette philosophie à laquelle il avait été tenté de tout sacrifier, pouvait accomplir sans lui ses progrès, et en attendant elle ne lui donnait ni la tranquillité d’âme ni le bonheur, mais seulement des illusions présomp­tueuses, qui risquaient de le détourner de sa voie véritable. Deux ans plus tard, en 1815, lorsqu’avec le patriotisme généreux dont il fut animé toute sa vie depuis 1789, il souffrait des malheurs de la France et se plaignait amèrement à sesamis de Lyon de la joie de quelques-uns de ses amis de Paris, il ne trouvait pas plus que Jouffroy à la même époque une consolation et un appui dans cette philosophie exclusivement vouée à l’analyse psychologique : tourmenté par le doute, il jetait à ses amis de Lyon un cri d’an­goisse et de regret, du fond du gouffre où il s’était précipité, disait-il, en gardant de ses an­ciennes idées trop peu pour le faire croire, mais assez pour le frapper de terreur. Cependant, à partir de 1816, la petite société philosophique à laquelle il appartenait, et qui se réunissait main­tenant chez Maine de Biran fixé à Paris depuis 1812, prenait une couleur plus décidément spi­ritualiste, et comptait parmi ses membres Stapfer, le docteur Bertrand, Loyson eteurtout M. Cousin, qui, après ses cours de 1816 et 1817 sur les principes nécessaires, ouvrait le 4 décembre 1817 son cours sur le vrai, le beau et le bien. C’était aussi l’époque où Maine de Biran, sans voir assez nettement le rôle de la raison dans l’âme humaine et son rapport avec Dieu, sentait de plus en plus le besoin du sentiment religieux et arrivait peu à peu à la foi chrétienne. Les idées religieuses