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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/200

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du rêve atteint un degré d’acuité tel qu’elle devient à peu près absolue. D’après la première, le rêve serait absurde parce que l’activité psychique dont il est l’effet a perdu toute faculté de formuler un jugement critique ; d’après notre conception, au contraire, le rêve devient absurde dès que se trouve exprimée la critique contenue dans les idées du rêve, dès que se trouve formulé le jugement : c’est absurde. Vous en avez un bon exemple dans le rêve, que vous connaissez déjà, relatif à l’intention d’assister à une représentation théâtrale (trois billets pour 1 florin 50). Le jugement formulé à cette occasion était : ce fut une absurdité de se marier si tôt.

Nous apprenons de même, au cours du travail d’interprétation, ce qui correspond aux doutes et incertitudes si souvent exprimés par le rêveur, à savoir si un certain élément donné s’est réellement manifesté dans le rêve, si c’était bien l’élément allégué ou supposé, et non un autre. Rien dans les idées latentes du rêve ne correspond généralement à ces doutes et incertitudes ; ils sont uniquement l’effet de la censure et doivent être considérés comme correspondant à une tentative, partiellement réussie, de suppression, de refoulement.

Une des constatations les plus étonnantes est celle relative à la manière dont le travail d’élaboration traite les oppositions existant au sein du rêve latent. Nous savons déjà que les éléments analogues des matériaux latents sont remplacés dans le rêve manifeste par des condensations. Or, les contraires sont traités de la même manière que les analogies et sont exprimés de préférence parle même élément manifeste. C’est ainsi qu’un élément du rêve manifeste qui a son contraire peut aussi bien signifier lui-même que ce contraire, ou l’un et l’autre à la fois, ce n’est que d’après le sens général que nous pouvons décider notre choix quant à l’interprétation. C’est ce qui explique qu’on ne trouve pas dans le rêve de représentation, univoque tout au moins, du « non ».

Cette étrange manière d’opérer qui caractérise le travail d’élaboration trouve une heureuse analogie dans le développement de la langue. Beaucoup de linguistes ont constaté que dans les langues les plus anciennes les oppositions : fort-faible, clair-obscur, grand-petit sont exprimées par le même radical (« opposition de sens