Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/228

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différence d’âge n’est pas très grande, l’enfant, lorsque son activité psychique atteint plus d’intensité, se trouve en présence d’une concurrence tout installée et s’eu accommode. Si la différence d’âge est suffisamment grande, le nouveau venu peut dès le début éveiller certaines sympathies : il apparaît alors comme un objet intéressant, comme une sorte de poupée vivante ; et lorsque la différence comporte huit années ou davantage, on peut voir se manifester, surtout chez les petites filles, une sollicitude quasi maternelle. Mais à parler franchement, lorsqu’on découvre, derrière un rêve, le souhait de voir mourir un frère ou une sœur, il s’agit rarement d’un souhait énigmatique et on en trouve sans peine la source dans la première enfance, souvent même à une époque plus tardive de la vie en commun.

On trouverait difficilement une nursery sans conflits violents entre ses habitants. Les raisons de ces conflits sont : le désir de chacun de monopoliser à son profit l’amour des parents, la possession des objets et de l’espace disponible. Les sentiments hostiles se portent aussi bien sur les plus âgés que sur les plus jeunes des frères et des sœurs. C’est, je crois, Bernard Shaw qui d’a dit : s’il est un être qu’une jeune femme anglaise haïsse plus que sa mère, c’est certainement sa sœur aînée. Dans cette remarque il y a quelque chose qui nous déconcerte. Nous pouvons, à la rigueur, concevoir encore l’existence d’une haine et d’une concurrence entre frères et sœurs. Mais comment les sentiments de haine peuvent-ils se glisser dans les relations entre fille et mère, entre parents et enfants ?

Sans doute, les enfants eux-mêmes manifestent plus de bienveillance à l’égard de leurs parents qu’à l’égard de leurs frères et sœurs. Ceci est d’ailleurs tout à fait conforme à notre attente : nous trouvons l’absence d’amour entre parents et enfants comme un phénomène beaucoup plus contraire à la nature que l’inimitié entre frères et sœurs. Nous avons, pour ainsi dire, consacré dans le premier cas ce que nous avons laissé à l’état profane dans l’autre. Et cependant l’observation journalière nous montre combien les relations sentimentales entre parents et enfants restent souvent en deçà de l’idéal posé par la société, combien elles recèlent d’inimitié qui ne manquerait