Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/239

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Nous aurons naturellement à nous expliquer l’existence de tant de rêves à contenu pénible, et plus particulièrement de rêves angoissants, de cauchemars. À ce propos, nous nous trouvons pour la première fois en présence du problème des sentiments dans le rêve, problème qui mériterait d’être étudié pour lui-même, ce que nous ne pouvons malheureusement pas faire ici. Si le rêve est une réalisation de désirs, il ne devrait pas y avoir dans le rêve de sensations pénibles : là-dessus les critiques profanes semblent avoir raison. Mais il est trois complications auxquelles ceux-ci n’ont pas pensé.

Premièrement : il peut arriver que le travail d’élaboration n’ayant pas pleinement réussi à créer une réalisation de désir, un résidu de sentiments pénibles passe des idées latentes dans le rêve manifeste. L’analyse devrait montrer alors que ces idées latentes étaient beaucoup plus pénibles que celles dont se compose le rêve manifeste. Nous admettons alors que le travail d’élaboration n’a pas plus atteint son but qu’on n’éteint la soif lorsqu’on rêve qu’on boit. On a beau rêver de boissons, mais, quand on a réellement soif, il faut s’éveiller pour boire. On a cependant fait un rêve véritable, un rêve qui n’a rien perdu de son caractère de rêve, du fait de la non-réalisation du désir. Nous devons dire : « Ut desint vires, tamen est laudanda voluntas. » Si le désir n’a pas été satisfait, l’intention n’en reste pas moins louable. Ces cas de non-réussite sont loin d’être rares. Ce qui y contribue, c’est que les sentiments étant parfois très résistants, le travail d’élaboration réussit d’autant plus difficilement à en changer le sens. Et il arrive ainsi, alors que le travail d’élaboration a réussi à transformer en réalisation de désir le contenu pénible des idées latentes, que le sentiment pénible qui accompagne ces idées passe tel quel dans le rêve manifeste. Dans les rêves manifestes de ce genre, il y a donc désaccord entre le sentiment et le contenu, et nos critiques sont en droit de dire que le rêve est si peu une réalisation d’un désir que même un contenu inoffensif y est accompagné d’un sentiment pénible. Nous objecterons à cette absurde observation que c’est précisément dans les rêves en question que la tendance à la réalisation de désirs se manifeste avec le plus de netteté, parce qu’elle s’y trouve