Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à l’interprète des jeux de mots qui avaient pour auteur le rêveur. Il existe encore d’autres exemples où il n’est pas du tout facile de décider si l’on se trouve en présence d’un jeu de mots ou d’un rêve. Mais nous avons déjà connu les mêmes doutes à propos de certains lapsus de la parole. Un homme raconte avoir rêvé que son oncle lui avait donné un baiser pendant qu’ils étaient assis ensemble dans l’auto (mobile) de celui-ci. Il ne tarde d’ailleurs pas à donner l’interprétation de ce rêve. Il signifie autoérotisme (terme emprunté à la théorie de la libido et signifiant la satisfaction érotique sans participation d’un objet étranger). Cet homme se serait-il permis de plaisanter et nous aurait-il donné pour un rêve ce qui n’était de sa part qu’un jeu de mots ? Je n’en crois rien. À mon avis, il a réellement eu ce rêve. Mais d’où vient cette frappante ressemblance ? Cette question m’a fait faire autrefois une longue digression, en m’obligeant à soumettre à une étude approfondie le jeu de mots lui-même. J’ai abouti à ce résultat qu’une série d’idées conscientes est abandonnée momentanément à l’élaboration inconsciente d’où elle ressort ensuite à l’état de jeu de mots. Sous l’influence de l’inconscient, ces idées conscientes subissent l’action des mécanismes qui y dominent, à savoir de la condensation et du déplacement, c’est-à-dire des processus mêmes que nous avons trouvés à l’œuvre dans le travail d’élaboration : c’est uniquement à ce fait qu’on doit attribuer la ressemblance (lorsqu’elle existe) entre le jeu de mots et le rêve. Mais le « rêve-jeu de mots », phénomène non intentionnel, ne procure rien de ce plaisir qu’on éprouve lorsqu’on a réussi un « jeu de mots » pur et simple. Pourquoi ? C’est ce que vous apprendrez si vous avez l’occasion de faire une étude approfondie du jeu de mots. Le « rêve-calembour » manque d’esprit ; loin de nous faire rire, il nous laisse froids.

Nous nous rapprochons, sur ce point, de l’ancienne interprétation des songes qui, à côté de beaucoup de matériaux inutilisables, nous a laissé pas mal d’excellents exemples que nous ne saurions nous-mêmes dépasser. Je ne vous citerai qu’un seul rêve de ce genre, à cause de sa signification historique. Ce rêve, qui appartient à Alexandre le Grand, est raconté, avec certaines variantes,