Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et finit par avouer qu’elle ne peut plus traverser seule des places et des rues un peu larges. Il y a là un état morbide compliqué, qui comporte au moins deux diagnostics : celui d’agoraphobie et celui de névrose obsessionnelle. Nous ne nous y arrêterons pas longtemps : la seule chose qui nous intéresse dans le cas de cette malade, c’est son cérémonial du coucher qui est une source de souffrances pour ses parents. On peut dire que, dans un certain sens, tout sujet normal a son cérémonial du coucher ou tient à la réalisation de certaines conditions dont la non-exécution l’empêche de s’endormir ; il a entouré le passage de l’état de veille à l’état de sommeil de certaines formes qu’il reproduit exactement tous les soirs. Mais toutes les conditions dont l’homme sain entoure le sommeil sont rationnelles et, comme telles, se laissent facilement comprendre ; et, lorsque les circonstances extérieures lui imposent un changement, il s’y adapte facilement et sans perte de temps. Mais, le cérémonial pathologique manque de souplesse, il sait s’imposer au prix des plus grands sacrifices, s’abriter derrière des raisons en apparence rationnelles et, à l’examen superficiel, il ne semble se distinguer du cérémonial normal que par une minutie exagérée. Mais, à un examen plus attentif, on constate que le cérémonial morbide comporte des conditions que nulle raison ne justifie, et d’autres qui sont nettement antirationnelles. Notre malade justifie les précautions qu’elle prend pour la nuit par cette raison que pour dormir elle a besoin de calme ; elle doit donc éliminer toutes les sources de bruit. Pour réaliser ce but, elle prend tous les soirs, avant le sommeil, les deux précautions suivantes : en premier lieu, elle arrête la grande pendule qui se trouve dans sa chambre et fait emporter toutes les autres pendules, sans même faire une exception pour sa petite montre-bracelet dans son écrin ; en deuxième lieu, elle réunit sur son bureau tous les pots à fleurs et vases, de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne puisse, pendant la nuit, se casser en tombant et ainsi troubler son sommeil. Elle sait parfaitement bien que le besoin de repos ne justifie ces mesures qu’en apparence ; elle se rend compte que la petite montre-bracelet, laissée dans son écrin, ne saurait troubler son sommeil par son tic-tac,