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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/35

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de lui refuser tout caractère scientifique et de l’abandonner aux profanes, poètes, philosophes de la nature et mystiques. Cette limitation est certainement préjudiciable à votre activité médicale, car, ainsi qu’il est de règle dans toutes relations humaines, le malade commence toujours par vous présenter sa façade psychique, et je crains fort que vous ne soyez obligés, pour votre châtiment, d’abandonner aux profanes, aux rebouteux et aux mystiques que vous méprisez tant, une bonne part de l’influence thérapeutique que vous cherchez à exercer.

Je ne méconnais pas les raisons qu’on peut alléguer pour excuser cette lacune dans votre préparation. Il nous manque encore cette science philosophique auxiliaire que vous puissiez utiliser pour la réalisation des fins posées par l’activité médicale. Ni la philosophie spéculative, ni la psychologie descriptive, ni la psychologie dite expérimentale et se rattachant à la physiologie des sens, ne sont capables, telles qu’on les enseigne dans les écoles, de vous fournir des données utiles sur les rapports entre le corps et l’âme et de vous offrir le moyen de comprendre un trouble psychique quelconque. Dans le cadre même de la médecine, la psychiatrie, il est vrai, s’occupe à décrire les troubles psychiques qu’elle observe et à les réunir en tableaux cliniques, mais dans leurs bons moments les psychiatres se demandent eux-mêmes si leurs arrangements purement descriptifs méritent le nom de science. Nous ne connaissons ni l’origine, ni le mécanisme, ni les liens réciproques des symptômes dont se composent ces tableaux nosologiques ; aucune modification démontrable de l’organe anatomique de l’âme ne leur correspond ; et quant aux modifications qu’on invoque, elles ne donnent des symptômes aucune explication. Ces troubles psychiques ne sont accessibles à une action thérapeutique qu’en tant qu’ils constituent des effets secondaires d’une affection organique quelconque.

C’est là une lacune que la psychanalyse s’applique à combler. Elle veut donner à la psychiatrie la base psychologique qui lui manque ; elle espère découvrir le terrain commun qui rendra intelligible la rencontre d’un trouble somatique et d’un trouble psychique. Pour parvenir à ce but, elle doit se tenir à distance de toute présupposition d’ordre anatomique, chimique ou physiolo-