Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/367

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la fille. C’est en ce sens que le complexe d’Oedipe peut être considéré comme le noyau des névroses.

Vous devinez sans doute que j’écarte rapidement un grand nombre de détails importants, aussi bien pratiques que théoriques, se rattachant au complexe d’Oedipe. Je n’insisterai pas davantage sur ses variations et sur son inversion possible. En ce qui concerne ses rapports plus éloignés, je vous dirai seulement qu’il a été une source abondante de production poétique. Otto Rank a montré, dans un livre méritoire, que les dramaturges de tous les temps ont puisé leurs matériaux principalement dans le complexe d’Oedipe et dans le complexe de l’inceste, ainsi que dans leurs variations plus ou moins voilées. Mentionnons encore que les deux désirs criminels qui font partie de ce complexe ont été reconnus, longtemps avant la psychanalyse, comme étant les désirs représentatifs de la vie instinctive sans frein. Dans le dialogue du célèbre encyclopédiste Diderot intitulé : Le neveu de Rameau, dont Gœthe lui-même a donné une version allemande, vous trouverez le remarquable passage que voici : « Si le petit sauvage était abandonné à lui-même, qu’il conservât toute son imbécillité et qu’il réunît au peu de raison de l’enfant au berceau la violence des passions de l’homme de trente ans, il tordrait-le cou à son père et coucherait avec sa mère. »

Mais il est un détail que je ne dois pas omettre. Ce n’est pas en vain que l’épouse-mère d’Oedipe nous a fait penser au rêve. Vous souvenez-vous encore du résultat de nos analyses de rêves, à savoir que les désirs formateurs de rêves sont souvent de nature perverse, incestueuse ou révèlent une hostilité insoupçonnée à l’égard de personnes très proches et aimées ? Nous n’avons pas alors expliqué l’origine de ces mauvaises tendances. À présent, cette explication s’impose à nous sans que nous nous donnions la peine de la chercher. Il s’agit ni plus ni moins de produits de la libido et de certaines déformations d’objets qui, datant des premières années de l’enfance et disparus depuis longtemps de la conscience, révèlent encore leur existence pendant la nuit et se montrent dans une certaine mesure susceptibles d’exercer une action. Or, comme tous les hommes font de ces rêves pervers, incestueux, cruels, que ces rêves ne constituent