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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/379

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libido. Il était assis sur un tabouret auprès de sa gouvernante qui devait lui donner une leçon d’anglais. La gouvernante, une vieille fille sèche, laide, aux yeux bleu d’eau et avec un nez retroussé, avait ce jour-là mal à un pied qu’elle avait pour cette raison chaussé d’une pantoufle en velours et qu’elle tenait étendu sur un coussin. Sa jambe était cependant cachée de la façon la plus décente. C’est un pied maigre, tendineux, comme celui de la gouvernante, qui était devenu, après un timide essai d’activité sexuelle normale, son unique objet sexuel, et notre homme y était attiré irrésistiblement, lorsqu’à ce pied venaient s’ajouter encore d’autres traits qui rappelaient le type de la gouvernante anglaise. Cette fixation de la libido a fait de notre homme, non un névrosé, mais un pervers, ce que nous appelons un fétichiste du pied. Vous le voyez : bien que la fixation excessive et, de plus, précoce, de la libido constitue un facteur étiologique indispensable de la névrose, son action s’étend bien au-delà du cadre des névroses. La fixation constitue ainsi une condition aussi peu décisive que la privation dont nous avons parlé plus haut.

Le problème de la détermination des névroses paraît donc se compliquer. En fait, la recherche psychanalytique nous révèle un nouveau facteur qui ne figure pas dans notre série étiologique et qui apparaît avec le plus d’évidence chez des personnes en pleine santé qui sont frappées d’une affection névrotique. On trouve régulièrement chez ces personnes les indices d’une opposition de désirs ou, comme nous avons l’habitude de nous exprimer, d’un conflit psychique. Une partie de la personnalité manifeste certains désirs, une autre partie s’y oppose et les repousse. Sans un conflit de ce genre, il n’y a pas de névrose. Il n’y aurait d’ailleurs là rien de singulier. Vous savez que notre vie psychique est constamment remuée par des conflits dont il nous incombe de trouver la solution. Pour qu’un pareil conflit devienne pathogène, il faut donc des conditions particulières. Aussi avons-nous à nous demander quelles sont ces conditions, entre quelles forces psychiques se déroulent ces conflits pathogènes, quels sont les rapports existant entre le conflit et les autres facteurs déterminants.

J’espère pouvoir donner à ces questions des réponses