Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/38

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sexuels résister à ce refoulement. La société ne voit pas de plus grave menace à sa culture que celle que présenteraient la libération des instincts sexuels et leur retour à leurs buts primitifs. Aussi la société n’aime-t-elle pas qu’on lui rappelle cette partie scabreuse des fondations sur lesquelles elle repose ; elle n’a aucun intérêt à ce que la force des instincts sexuels soit reconnue et l’importance de la vie sexuelle révélée à chacun ; elle a plutôt adopté une méthode d’éducation qui consiste à détourner l’attention de ce domaine. C’est pourquoi elle ne supporte pas ce résultat de la psychanalyse dont nous nous occupons : elle le flétrirait volontiers comme repoussant au point de vue esthétique, comme condamnable au point de vue moral, comme dangereux sous tous les rapports. Mais ce n’est pas avec des reproches de ce genre qu’on peut supprimer un résultat objectif du travail scientifique. L’opposition, si elle veut se faire entendre, doit être transposée dans le domaine intellectuel. Or, la nature humaine est faite de telle sorte qu’on est porté à considérer comme injuste ce qui déplaît ; ceci fait, il est facile de trouver des arguments pour justifier son aversion. Et c’est ainsi que la société transforme le désagréable en injuste, combat les vérités de la psychanalyse, non avec des arguments logiques et concrets, mais à l’aide de raisons tirées du sentiment, et maintient ces objections, sous forme de préjugés, contre toutes les tentatives de réfutation.

Mais il convient d’observer qu’en formulant la proposition en question nous n’avons voulu manifester aucune tendance. Notre seul but était d’exposer un état de fait que nous croyons avoir constaté à la suite d’un travail plein de difficultés. Et cette fois encore nous croyons devoir protester contre l’intervention de considérations pratiques dans le travail scientifique, et cela avant même d’examiner si les craintes au nom desquelles on voudrait nous imposer ces considérations sont justifiées ou non.

Telles sont quelques-unes des difficultés auxquelles vous vous heurterez si vous voulez vous occuper de psychanalyse. C’est peut-être plus qu’il n’en faut pour commencer. Si leur perspective ne vous effraie pas, nous pouvons continuer.