Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/402

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La fantaisie relativement au détournement présente un intérêt particulier, parce que le plus souvent il s’agit, non d’un fait imaginaire, mais du souvenir d’un événement réel. Mais, tout en étant fréquent, cet événement réel l’est beaucoup moins que ne pourraient le faire croire les résultats des analyses. Le détournement par des enfants plus âgés ou du même âge est plus fréquent que le détournement par des adultes, et lorsque dans les récits de petites filles c’est le père qui apparaît (et c’est presque la règle) comme le séducteur, le caractère imaginaire de cette accusation apparaît hors de doute, de même que nul doute n’est possible quant au motif qui la détermine. C’est par l’invention du détournement, alors que rien de ce qui peut ressembler à un détournement n’a eu lieu, que l’enfant justifie généralement la période auto-érotique de son activité sexuelle. En situant par l’imagination l’objet de son désir sexuel dans cette période reculée de son enfance, il se dispense d’avoir honte du fait qu’il se livre à la masturbation. Ne croyez d’ailleurs pas que l’abus sexuel commis sur des enfants par les parents masculins les plus proches soit un fait appartenant entièrement au domaine de la fantaisie. La plupart des analystes auront eu à traiter des cas où cet abus a réellement existé et a pu être établi d’une manière indiscutable ; seulement cet abus avait eu lieu à une époque beaucoup plus tardive que celle à laquelle l’enfant le situe.

On a l’impression que tous ces événements de la vie infantile constituent l’élément nécessaire, indispensable de la névrose. Si ces événements correspondent à la réalité, tant mieux ; si la réalité les récuse, ils sont formés d’après tels ou tels indices et complétés par l’imagination. Le résultat est le même, et il ne nous a pas encore été donné de constater une différence quant aux effets, selon que les événements de la vie infantile sont un produit de la fantaisie ou de la réalité. Ici encore nous avons un de ces rapports de complément dont il a déjà été question si souvent, mais ce dernier rapport est le plus étrange de tous que ceux nous connaissions. D’où vient le besoin de ces inventions et où l’enfant puisse-t-il leurs matériaux ? En ce qui concerne les mobiles, aucun doute n’est possible ; mais il reste à expliquer pourquoi les mêmes inventions se reproduisent toujours, et avec le