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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/440

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chez l’enfant sont celles qui se rapportent à l’obscurité et à la solitude ; la première persiste souvent toute la vie durant et les deux ont en commun l’absence de la personne aimée, dispensatrice de soins, c’est-à-dire de la mère. Un enfant, anxieux de se trouver dans l’obscurité, s’adresse à sa tante qui se trouve dans une pièce voisine. « Tante, parle-moi ; j’ai peur. — À quoi cela te servirait-il, puisque tu ne me vois pas ? » À quoi l’enfant répond : « Il fait plus clair lorsque quelqu’un parle. » La tristesse qu’on éprouve dans l’obscurité se transforme ainsi en angoisse devant l’obscurité. Il n’est donc pas seulement inexact de dire que l’angoisse névrotique est un phénomène secondaire et un cas spécial de l’angoisse réelle : nous voyons, en outre, chez le jeune enfant, se comporter comme angoisse quelque chose qui a en commun avec l’angoisse névrotique un trait essentiel : la provenance d’une libido inemployée. Quant à la véritable angoisse réelle, l’enfant semble ne la posséder qu’à un degré peu prononcé. Dans toutes les situations qui peuvent devenir plus tard des conditions de phobies, qu’il se trouve sur des hauteurs, sur des passages étroits au-dessus de l’eau, en chemin de fer ou en bateau, l’enfant ne manifeste aucune angoisse, et il en manifeste d’autant moins qu’il est plus ignorant. Il eût été désirable qu’il ait reçu en héritage un plus grand nombre d’instincts tendant à la préservation de la vie ; la tâche des surveillants chargés de l’empêcher de s’exposer à des dangers successifs en serait grandement facilitée. Mais, en réalité, l’enfant commence par s’exagérer ses forces et se comporte sans éprouver d’angoisse, parce qu’il ignore le danger. Il court au bord de l’eau, il monte sur l’appui d’une fenêtre, il joue avec des objets tranchants et avec du feu, bref il fait tout ce qui peut être nuisible et causer des soucis à son entourage. Ce n’est qu’à force d’éducation qu’on finit par faire naître en lui l’angoisse réelle, car on ne peut vraiment pas lui permettre de s’instruire par l’expérience personnelle.

S’il y a des enfants qui ont subi l’influence de cette éducation par l’angoisse dans une mesure telle qu’ils finissent par trouver d’eux-mêmes des dangers dont on ne leur a pas parlé et contre lesquels on ne les a pas mis en garde, cela tient à ce que leur constitution comporte