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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/57

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entièrement une autre (substitution), tandis que dans d’autres cas a lieu une déformation ou une modification d’une intention par une autre, avec production de mots mixtes ayant plus ou moins de sens.

Nous croyons ainsi avoir pénétré le secret d’un grand nombre de lapsus. En maintenant cette manière de voir, nous serons à même de comprendre d’autres groupes qui paraissent encore énigmatiques. C’est ainsi qu’en ce qui concerne la déformation de noms, nous ne pouvons pas admettre qu’il s’agisse toujours d’une concurrence entre deux noms, à la fois semblables et différents. Même en l’absence de cette concurrence, la deuxième intention n’est pas difficile à découvrir. La déformation d’un nom a souvent lieu en dehors de tout lapsus. Par elle, on cherche à rendre un nom malsonnant ou à lui donner une assonance qui rappelle un objet vulgaire. C’est un genre d’insulte très répandu, auquel l’homme cultivé finit par renoncer, souvent à contrecœur. Il lui donne souvent la forme d’un « trait d’esprit », d’une qualité tout à fait inférieure. Il semble donc indiqué d’admettre que le lapsus résulte souvent d’une intention injurieuse qui se manifeste par la déformation du nom. En étendant notre conception, nous trouvons que des explications analogues valent pour certains cas de lapsus à effet comique ou absurde : « Je vous invite à demolir (aufstossen) la prospérité, de notre chef » (au lieu de : boire à la santéanstossen). Ici une disposition solennelle est troublée, contre toute attente, par l’irruption d’un mot qui éveille une représentation désagréable ; et, nous rappelant certains propos et discours injurieux, nous sommes autorisés à admettre que, dans le cas dont il s’agit, une tendance cherche à se manifester, en contradiction flagrante avec l’attitude apparemment respectueuse de l’orateur. C’est, au fond, comme si celui-ci avait voulu dire : ne croyez pas à ce que je dis, je ne parle pas sérieusement, je me moque du bonhomme, etc. Il en est sans doute de même de lapsus où des mots anodins se trouvent transformés en mots inconvenants et obscènes.

La tendance à cette transformation, ou plutôt à cette déformation, s’observe chez beaucoup de gens qui agissent ainsi par plaisir, pour « faire de l’esprit ». Et,