Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/64

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sinon, je me fâche. Vous êtes capable par vos soupçons de gâter toute ma carrière. J’ai dit tout simplement aufstossen (démolir), au lieu de anstossen (trinquer), parce que j’avais déjà, dans la même phrase, employé à deux reprises la préposition auf. C’est ce que Meringer appelle Nach-Klang, et il n’y a pas à chercher d’autre interprétation. M’avez-vous compris ? Que cela vous suffise ! » Hum ! La réaction est bien violente, la dénégation par trop énergique. Je vois qu’il n’y a rien à tirer du jeune homme, mais je pense aussi qu’il est personnellement fort intéressé à ce qu’on ne trouve aucun sens à son acte manqué. Vous penserez peut-être qu’il a tort de se montrer aussi grossier à propos d’une recherche purement théorique, mais enfin, ajouterez-vous, il doit bien savoir ce qu’il voulait ou ne voulait pas dire.

Vraiment ? C’est ce qu’il faudrait encore savoir.

Cette fois vous croyez me tenir. Voilà donc votre technique, vous entends-je dire. Lorsqu’une personne ayant commis un lapsus dit à ce propos quelque chose qui vous convient, vous déclarez qu’elle est la suprême et décisive autorité : « Il le dit bien lui-même ! » Mais si ce que dit la personne interrogée ne vous convient pas, vous prétendez aussitôt que son explication n’a aucune valeur, qu’il n’y a pas à y ajouter foi.

Ceci est dans l’ordre des choses. Mais je puis vous présenter un cas analogue où les choses se passent d’une façon tout aussi extraordinaire. Lorsqu’un prévenu avoue son délit, le juge croit à son aveu ; mais lorsqu’il le nie, le juge ne le croit pas. S’il en était autrement, l’administration de la justice ne serait pas possible et, malgré des erreurs éventuelles, on est bien obligé d’accepter ce système.

Mais êtes-vous juges, et celui qui a commis un lapsus apparaîtrait-il devant vous en prévenu ? Le lapsus serait-il un délit ?

Peut-être ne devons-nous pas repousser cette comparaison. Mais voyez les profondes différences qui se révèlent dès qu’on approfondit tant soit peu les problèmes en apparence si anodins que soulèvent les actes manqués. Différences que nous ne savons encore supprimer. Je vous propose un compromis provisoire fondé précisément sur cette comparaison avec le juge et avec