Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/91

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au mot en question. Je vous ai déjà cité antérieurement plusieurs exemples de répugnance directe à l’égard de noms et de mots. Mais dans ce genre d’oublis la détermination indirecte est la plus fréquente et ne peut le plus souvent être établie qu’à la suite d’une minutieuse analyse. C’est ainsi que la dernière guerre, au cours de laquelle nous nous sommes vus obligés de renoncer à tant de nos affections de jadis, a créé les associations les plus bizarres qui ont eu pour effet d’affaiblir notre mémoire de noms propres. Il m’est arrivé récemment de ne pas pouvoir reproduire le nom de l’inoffensive ville morave Bisenz, et l’analyse a montré qu’il ne s’agissait pas du tout d’une hostilité de ma part à l’égard de cette ville, mais que l’oubli tenait plutôt à la ressemblance qui existe entre son nom et celui du palais Bisenzi, à Orvieto, dans lequel j’ai fait autrefois plusieurs séjours agréables. Ici, nous nous trouvons pour la première fois en présence d’un principe qui, au point de vue de la motivation de la tendance favorisant l’oubli de noms, se révèlera plus tard comme jouant un rôle prépondérant dans la détermination de symptômes névrotiques : il s’agit notamment du refus de la mémoire d’évoquer des souvenirs associés à des sensations pénibles des souvenirs dont l’évocation serait de nature à reproduire ces sensations. Dans cette tendance à éviter le déplaisir que peuvent causer les souvenirs ou d’autres actes psychiques, dans cette fuite psychique devant tout ce qui est pénible, nous devons voir l’ultime raison efficace, non seulement de l’oubli de noms, mais aussi de beaucoup d’autres actes manqués, tels que négligences, erreurs, etc.

Mais il semble que l’oubli des noms soit particulièrement facilité par des facteurs psycho-physiologiques ; aussi peut-on l’observer, même dans des cas où n’intervient aucun élément en rapport avec une sensation de déplaisir. Lorsque vous vous trouvez en présence de quelqu’un ayant tendance à oublier des noms, la recherche analytique vous permettra toujours de constater que, si certains noms lui échappent, ce n’est pas parce qu’ils lui déplaisent ou lui rappellent des souvenirs. désagréables, mais parce qu’ils appartiennent chez lui à d’autres cycles d’associations avec lesquels ils se trouvent en rapports plus étroits. On dirait que ces noms