Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/94

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Les faits de laisser tomber, de détériorer, de casser un objet peuvent servir aux mêmes fins. L’expérience a été faite dans la vie sociale que des enfants imposés et nés hors mariage sont beaucoup plus fragiles que les enfants reconnus comme légitimes. Ce résultat n’est pas le fait de la grossière technique de faiseuses d’anges ; il s’explique par une certaine négligence dans les soins donnes aux premiers. Il se pourrait que la conservation des objets tombât sous la même explication que la conservation des enfants.

Mais dans d’autres cas on perd des objets qui n’ont rien perdu de leur valeur, avec la seule intention de sacrifier quelque chose au sort et de s’épargner ainsi une autre perte qu’on redoute. L’analyse montre que cette manière de conjurer le sort est assez répandue chez nous et que pour cette raison nos pertes sont souvent un sacrifice volontaire. La perte peut également être l’expression d’un défi ou d’une pénitence. Bref, les motivations plus éloignées de la tendance à se débarrasser d’un objet par la perte sont innombrables.

Comme les autres erreurs, la méprise est souvent utilisée à réaliser des désirs qu’on devrait se refuser. L’intention revêt alors le masque d’un heureux hasard. Un de nos amis, par exemple, qui prend le train pour aller faire, dans les environs de la ville, une visite a laquelle il ne tenait pas beaucoup, se trompe de train a la gare de correspondance et reprend celui qui retourne à la ville. Ou, encore, il arrive que, désirant, au cours d’un voyage, faire dans une station intermédiaire une halte incompatible avec certaines obligations, on manque comme par hasard une correspondance, ce qui permet en fin de compte de s’offrir l’arrêt voulu. Je puis encore vous citer le cas d’un de mes malades auquel j’avais défendu d’appeler sa maîtresse au téléphone, mais qui, toutes les fois qu’il voulait me téléphoner, appelait par erreur, mentalement, un faux numero qui était précisément celui de sa maîtresse. Voici enfin l’observation concernant une méprise que nous rapporte un ingénieur : observation élégante et d’une importance pratique considérable, en ce qu’elle nous fait toucher du doigt les préliminaires des dommages causés à un objet :

Depuis quelque temps, j’étais occupé, avec plusieurs