Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/104

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peu de temps avant que je fusse fait prisonnier, j’avais reçu la nouvelle que la grippe sévissait avec une grande intensité dans le pays habité par cette parente à laquelle j’avais d’ailleurs fait part de mes très vives appréhensions. Plusieurs mois après les événements que je raconte, j’ai reçu la nouvelle qu’elle avait succombé à l’épidémie quinze jours avant ces événements. »

z) L’exemple de lapsus suivant illustre d’une façon frappante un des douloureux conflits si fréquents dans la carrière du médecin. Un homme, selon toutes probabilités irrémédiablement malade, mais dont la maladie n’est pas encore diagnostiquée d’une façon certaine, vient à Vienne chercher une décision du sort et prie un de ses amis d’enfance, devenu médecin célèbre, de se charger de son cas, ce que cet ami finit par accepter, bien qu’à contre-cœur. Il conseille au malade d’entrer dans une maison de santé et lui recommande le sanatorium « Hera ». — Mais cette maison de santé a une destination spéciale (maison d’accouchements), objecte le malade. Oh non, répond avec vivacité le médecin : on peut dans cette maison faire mourir (Umbringen)… je veux dire faire entrer (Unterbringen) n’importe quel malade. Il cherche alors à atténuer l’effet de son lapsus. — Tu ne vas pas croire que j’ai à ton égard des intentions hostiles ? Un quart d’heure plus tard, il dit à la garde-malade qui l’accompagne jusqu’à la porte : — Je ne trouve rien et ne crois toujours pas qu’il soit atteint de ce qu’on soupçonne. Mais s’il l’était, il ne resterait, à mon avis, qu’à lui administrer une bonne dose de morphine, et tout serait fini. Or il se trouve que l’ami lui avait posé pour condition d’abréger ses souffrances avec un médicament, dès qu’il aurait acquis la certitude que le cas était désespéré. C’est donc que le médecin s’était réellement chargé (sous une certaine condition) de faire mourir son ami.

n) Je ne puis résister à la tentation de citer un exem-