Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/204

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De nombreuses observations faites par d’autres personnes sur elles-mêmes montrent que l’erreur dans laquelle les clefs jouent un rôle si important ne m’est pas particulière.

Dans ses « Contributions à la psychopathologie de la vie quotidienne » (Arch. de Psychol., VI, 1906), M. A. Maeder décrit des expériences presque identiques aux miennes : « Il est arrivé à chacun de sortir son trousseau, en arrivant à la porte d’un ami particulièrement cher, de se surprendre, pour ainsi dire, en train d’ouvrir avec sa clef comme chez soi. C’est un retard, puisqu’il faut sonner malgré tout, mais c’est une preuve qu’on se sent — ou qu’on voudrait se sentir — comme chez soi, auprès de cet ami. »

E. Jones (l. c., p. 509) : « L’usage de clefs est une source féconde d’accidents de ce genre dont je citerai deux exemples. Lorsque je suis obligé d’interrompre un travail absorbant, pour me rendre à l’hôpital en vue de quelque besogne machinale, je me surprends facilement en train de vouloir ouvrir la porte de mon laboratoire avec la clef du bureau que j’ai à la maison, bien que les deux clefs ne se ressemblent nullement. Par cette erreur je témoigne, malgré moi, que j’aimerais mieux être chez moi qu’à l’hôpital. » — « Il y a quelques années, j’occupais une situation subordonnée dans une institution dont la porte était toujours fermée à clef, de sorte qu’il fallait sonner pour se faire ouvrir. A plusieurs reprises, je m’étais surpris en train de vouloir ouvrir cette porte avec la clef de mon propre domicile. Chacun des membres titulaires de cette institution (et c’était la qualité à laquelle j’aspirais moi-même à cette époque-là) était muni d’une clef avec laquelle il pouvait ouvrir lui-même la porte, sans être obligé d’attendre. Ma méprise n’était ainsi que l’expression de mon désir d’arriver à la même situation et d’être ici comme chez moi. »

Hanns Sachs (de Vienne) raconte de même : « Je porte toujours sur moi deux clefs, dont l’une ouvre la