Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/233

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une preuve que des motifs inconscients et réprimés servaient chez lui à renforcer les motifs conscients en lutte entre eux, et dans les cas de ce genre je cherche à mettre fin au conflit par une analyse psychique. L’homme me fit part un jour d’un petit incident qui l’avait profondément effrayé. Il jouait avec l’aîné des enfants, celui qu’il aimait le plus, en le soulevant et en le baissant alternativement ; à un moment donné, il le souleva tellement, et juste au-dessous d’un lourd lustre à gaz, que la tête de l’enfant est venue presque se cogner contre ce dernier. Presque, mais pas tout à fait et même à peine. Il n’arriva rien à l’enfant, mais la peur lui donna le vertige. Le père resta immobilisé par la frayeur, tenant l’enfant dans les bras ; la mère eut une crise d’hystérie. L’adresse particulière de ce mouvement imprudent, la violence de la réaction que celui-ci a provoquée chez les parents m’ont incité à chercher dans cet accident une action symptomatique exprimant une mauvaise intention à l’égard de l’enfant aimé. En ce qui concerne l’opposition entre cette manière de voir et la tendresse actuelle du père pour son enfant, j’ai réussi à la supprimer, en faisant remonter l’impulsion malfaisante à une époque où l’enfant était encore unique et tellement petit qu’il ne pouvait encore inspirer au père aucune tendresse. Il me fut alors facile de supposer que cet homme, peu satisfait de sa femme, pouvait à cette époque-là avoir l’idée ou concevoir le projet que voici : si ce petit être, qui ne m’intéresse en aucune façon, venait à mourir, je deviendrais libre et pourrais me séparer de ma femme. Ce désir de voir mourir le jeune être, si aimé aujourd’hui, a pu persister depuis cette époque dans l’inconscient. A partir de ce point, il est facile de trouver la voie de la fixation inconsciente du désir. J’ai en effet réussi à retrouver dans les souvenirs d’enfance du patient celui de la mort d’un de ses petits frères, mort que la mère attribuait à la négligence du père et qui avait donné lieu à des explications orageuses