Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/239

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j’ai tout à fait par hasard déchiré en deux un billet de banque de 100 florins et j’en ai donné une moitié à une dame qui était en visite chez moi. Aurais-je commis, moi aussi, une action symptomatique ? » Une analyse un peu poussée révèle les détails suivants : Cette femme consacre une partie de son temps et de sa fortune à des œuvres de charité. En commun avec une autre dame, elle assure l’éducation d’un orphelin. Les 100 florins lui ont été envoyés précisément par cette autre dame. Ayant reçu le billet, elle l’a mis dans une enveloppe et déposé provisoirement sur son bureau.

La dame qu’elle avait en visite était une personne notable, s’occupant d’une autre œuvre de charité. Elle était venue chercher une liste de personnes auxquelles elle pût demander une contribution à son œuvre. Ne trouvant pas de papier pour écrire les noms, ma patiente prit l’enveloppe qui était sur au et la déchira en deux, sans penser à son contenu : elle voulait, en effet, garder pour elle un duplicata de la liste qu’elle allait donner à sa visiteuse. Qu’on remarque bien le caractère inoffensif de cette action inutile. On sait qu’un billet de cent florins ne perd rien de sa valeur, lorsqu’il est déchiré, dès l’instant où il est possible de le reconstituer avec les fragments. Or, étant donnée l’importance de l’usage auquel allait servir le morceau de papier, il était certain que la dame le garderait, et il était non moins certain que dès qu’elle se serait aperçue de son précieux contenu, elle s’empresserait de le renvoyer à sa propriétaire.

Mais quelle pensée inconsciente pouvait bien exprimer cette action accidentelle, facilitée par un oubli ? La dame en visite était un partisan résolu de notre méthode de traitement. C’est elle qui avait conseillé à ma malade de s’adresser à moi et, si je ne me trompe, cette malade lui était très reconnaissante pour ce conseil. Le demi-billet de cent florins représenterait-il les