Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/245

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question d’une épée que Sigurd aurait placée entre lui et Brunhilde endormie. La même histoire figure dans la légende d’Arthur que notre homme connaît également.

« Le sens de l’acte symptomatique devient ainsi compréhensible. Le médecin avait placé son stéthoscope entre lui et ses patientes, tout comme Sigurd avait placé son épée entre lui et la femme à laquelle il ne devait pas toucher. C’était un acte de compromis qui devait servir à deux fins : éveiller, en présence d’une patiente séduisante, son désir réprimé d’avoir avec elle des rapports sexuels, et lui rappeler en même temps que ce désir ne pouvait pas être satisfait. Il s’agissait, pour ainsi dire, d’un charme contre les assauts de la tentation.

« J’ajouterai encore que le garçon a été fortement impressionné par ces vers du Richelieu de Lord Lytton :

Beneath the rule of men entirely great
The pen is mightier than the sword[1].


qu’il est devenu un écrivain fécond et qu’il se sert d’un stylo extraordinairement grand. Comme je lui demandais : « Quel besoin avez-vous d’un porte-plume pareil ? », il répondit : « J’ai tant de choses à exprimer. »

« Cette analyse montre une fois de plus quelles profondeurs de la vie psychique nous révèlent les actions dites « inoffensives, dépourvues de sens » et à quelle période précoce de la vie commence à se développer la tendance à la symbolisation ».

Je puis encore citer un cas de ma pratique psychothérapique où une main jouant avec une boule de mie de pain m’a fait des révélations intéressantes. Mon patient était un jeune garçon à peine âgé de 13 ans, atteint depuis deux ans d’une hystérie grave et qui, après un long séjour infructueux dans un établisse-

  1. « Sous le gouvernement d’hommes véritablement grands, la plume est plus puissante que l’épée. » Cfr. Oldhams : « I wear my pen as other do their sword » (Je porte ma plume comme d’autres portent leur épée).