Page:Froger - À genoux, 1878.djvu/247

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Sur le monde naguère encore plein d’effroi ?
Muse, consolatrice éternelle, est-ce toi ?

Ô Muse, n’as-tu pas secoué dans l’aurore
Tes cheveux embaumés sur la forêt sonore,
Et jeté sur le fleuve un parfum inconnu,
Qu’il en surnage encore après le soir venu ?
Ô Muse, quand les yeux des vierges séraphiques
Se sont levés ce soir sur les monts magnifiques,
N’ont-ils pas aperçu parmi l’immensité
Ta bouche souriante et pleine de clarté
Qui les baisait avec des lèvres ineffables ?
Ta voix pareille aux voix qu’on entend dans les fables
N’a-t-elle pas frémi dans l’air plein de rayons ?

Car, ô Muse, il n’est rien de ce que nous voyons
Qui ne vienne de toi ! Parfum, souffle, harmonie,
Tout ce que nous sentons dans la plaine infinie
Nous vient de ton sourire et nous vient de tes pleurs ;
Et ce que nous prenons pour le parfum des fleurs
Et pour le bruit du vent n’est dans les soirs de fièvres
Que le bruit de ta voix et l’odeur de tes lèvres.