Page:Froger - À genoux, 1878.djvu/75

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Avec laquelle Dieu, qui prend toutes nos femmes
Dans ses bras effrayants faits de foudre et de flammes,
Emportera cet ange au fond de son azur.
Mais, faible et n’ayant rien dans l’âme que d’impur,
Encore tout imprégné de ma fange première,
Je ne puis me hausser jusqu’à cette lumière
Suprême dont l’ardeur me dévore les yeux.
Ô rage ! voir mourir ce corps délicieux,
Cette chair comparable aux âmes et divine !
Quand le soleil se meurt le soir dans la ravine,
Il sait qu’on le verra renaître après la nuit,
Et son dernier rayon rose nous réjouit.
Mais elle ! tout entière ! elle mourir ! cet Ange
Miraculeux s’éteindre et redevenir fange !
Quoi ? parce que tout meurt dans ce triste univers,
Parce que les méchants, les lâches, les pervers
S’en vont l’un après l’autre emplir les tombes noires,
Faut-il, Seigneur, que vous preniez toutes nos gloires,
Comme si rien n’était plus utile pour vous
Que de voir la beauté mourir à vos genoux ?
Puisqu’il ne manque pas de malheureux qui pleurent,
Prenez-les ! mais que les belles têtes demeurent !
Que les beaux yeux couverts d’astres brillent toujours !
Gardez les cœurs brûlants pour les belles amours,
Et les lèvres pour les baisers, et les paupières
Pour les ruissellements éternels de lumières.