Page:Froissart - Œuvres de Froissart, Chroniques, Tome 1, 1873.djvu/482

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l’en peut perdre en une seule heure. Et toutes fois doit-l’en bien loer et prisier tels gens d’armes qui scèvent guerrier et grever et gaaigner sur leurs ennemis, car ils ne le pèvent faire sans grans travaulx et hardement ; mais encore dirai-je que : ’’qui plus fait, miex vault’’.

Or est il donques raisons que, aprés tous ces estas et manieres d’armes dont nous avons parlé, nous parliens du droit entier estat qui est et peut estre en pluseurs gens d’armes, ainsi come vous pourrés oïr ci aprés ensuiant. Ce sont cil qui, de leur propre nature et de leur propre mouvement, des lors que cognoissance se commence a mettre en eulx en leur joennesce, et de leur cognoissance ilz oent et escoutent volentiers parler les bons et raconter des faiz d’armes, voient volentiers gens d’armes armez et leurs harnois, et si voient volentiers beaux chevaux et beaux coursiers. Et ainsi come ilz viennent en aage, si leur croist leur cuer ou ventre, et la tres grant volenté qu’ilz ont de monter a cheval et d’eulx armer. Et quant ilz sont en aage et en estat qu’ilz le peuent faire, ilz n’en demandent conseil ne n’en croient nullui qui les en vueille conseiller qu’il ne s’arment ou premier fait d’armes qu’il treuvent, et d’ileuc en avant tous jours de plus en plus ; et ainsi come ilz croissent d’aage, ainsi croissent il de bonté et en fait d’armes de paiz et en fait d’armes de guerre. Et d’eulx mesmes, pour la grant et bonne volenté qu’il y ont, aprennent il l’usage et la maniere du faire, et tant qu’il ont la cognoissance de tous jours faire et tirer au plus honorable, tant de tous faiz d’armes come en autres manieres, de tous bons gouvernemens qui a leurs estaz appartiennent. Et lors s’appensent et avisent et demandent de tout ce qui est bon a faire pour le plus honorable. Si le font briefment et liement, et n’attendent pas que l’en les amonneste ne que l’en les en avise. Et ainsi semble ilz que telx gens sont faiz et se font d’eulx mesmes, dont se doit doubler le bien qui ainsi en teles gens se met, quant de leur propre mouvement et bonne volenté que Dieu leur a donnee, il cognoissent le bien ; et rien n’espargnent, ne corps ni avoir, qu’il ne mettent peine de le faire. Et