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LIVRE II.

Adonc ot le roi d’Angleterre conseil de remander en Escosse son oncle le duc de Lancastre ; car les choses étoient apaisées. Si le remanda par un sien chevalier de son hôtel, qui se appeloit messire Nicolle Carneffelle. Le chevalier exploita tant, au commandement du roi, qu’il vint à Haindebourch en Escosse, et là trouva le duc de Lancastre et ses gens qui lui firent grand’chère ; et là montra ses lettres de créance de par le roi. Le duc obéit, ce fut raison ; et aussi il retournoit volontiers en Angleterre et en son héritage. Si prit son chemin pour venir à Rosebourch ; et à son département, il remercia grandement les barons d’Escosse qui telle honneur et confort lui avoient fait, que de lui avoir soutenu en leur pays le terme que il lui avoit plu à demeurer. Si le reconvoyèrent le comte de Douglas, le comte de Mouret et aucuns chevaliers d’Escosse jusques à l’abbaye de Miaures, et point ne passèrent la rivière de Thuid. Le duc de Lancastre vint à Rosebourch, et de là au Neuf-Chastel sur Thin, et puis à Durem et à Yorch et partout trouvoit les villes et les cités appareillées[1] ; c’étoit raison.

En ce temps trépassa ce vaillant chevalier, en Angleterre, messire Guichart d’Angle, comte de Hostidonne et maître d’hôtel du roi. Si fut moult révéremment ensepveli en l’église des Frères-Prêcheurs de Londres, et là gît. Et au jour de son obsèque fut le roi et ses deux oncles, et ses deux frères et la princesse leur mère, et grand’foison de prélats et barons et de dames d’Angleterre, et lui firent toute celle honneur ; et vraiment le gentil chevalier valoit bien que on lui fît, car en son temps il ot toutes ces nobles vertus que un chevalier doit avoir : il fut lie, loyal, amoureux, sage, secret, large, pieux, hardi, entreprenant et chevaleureux. Ainsi fina messire Guichart d’Angle.


CHAPITRE CXIX.


Comment le duc de Lancastre vint d’Escosse à la cour où le roi étoit, qui excusa le comte de Northonbrelande, et fit sa paix au duc de Lancastre.


Quand le duc de Lancastre fut retourné d’Escosse en Angleterre, et il ot remontré au roi et à son conseil comment il avoit exploité de trêves, qui étoient prises et accordées entre eux et les Escots, il n’oublia mie à parler comment messire Mahieu Rademen, capitaine de Bervich, quoiqu’il excusât le chevalier, lui avoit clos les portes de Bervich au devant, au commandement et ordonnance du comte de Northonbrelande, et que ce fait il ne pouvoit oublier. Et en parloit le duc en telle entente que savoir vouloit si le roi son neveu l’avouoit ; et oil vraiment il l’avoua : mais il sembla au duc que ce fût assez malement. Donc s’apaisa le duc et attendit la fête Notre-Dame mie août, que le roi d’Angleterre tînt cour solennel à Wesmoustier ; et là furent grand’foison des hauts barons d’Angleterre, et tant que le comte de Northonbrelande y fut, et le comte de Nortinghen et grand foison de chevaliers et écuyers du North. Et fit le roi ce jour chevaliers : premier, le jeune comte de Pennebroch, messire Robert Branbre, messire Nicolas Tinfort et messire Adam François. Et les fit le roi à celle entente que il vouloit, la fête passée, aller vers Redinghes, vers Asquesuffort et vers Conventré, pour chercher toute la frontière et punir les mauvais, ainsi qu’il fit, qui s’étoient rebellés à l’encontre de lui, en la manière que il avoit fait en la comté de Kent, d’Exsexes, de Souxsexes, de Beteforde et de Cantebruge.

    et fidei articulis plurimi claudicabant. Quare non immerito opinatum est iram Dei descendisse in filios diffidentiæ.

    « Mihi quoque videtur tempora mala non tamen istis imputanda, sed generaliter cunctorum habitatorum terræ peccatis inclusive, ordines sumendo mendicantium, ad cumulandum causas malorum qui suæ professionis immemores, obliti sunt etiam ad quid ipsorum ordines instituti sunt, quia pauperes et omnino expeditos a rerum temporalium possessionibus, eorum legislatores viri sanctissimi eos esse ideo voluerunt, ut pro dicenda veritate, non haberent quod admittere formidarent : sed jam possessionatis invidentes, procerum crimina approbantes, commune vulgus in errore foventes, et utrorumque peccata concedentes pro possessionibus acquirendis, qui possessionibus renunciaverant pro pecuniis congregandis. Qui in paupertate perseverare juraverant, dicunt bonum malum, et malum bonum, seducentes principes adulationibus, plebem mendaciis, et utrosque secum in devium pertrahentes. In tantum etenim illam veritatis professionem suam perverse vivendo macularunt, ut in diebus istis in ore cujuslibet, bonum sit argumentum tenens tam de forma quam de materia : Hic est frater, ergo mendax. Sicut et illud : Hoc est album, ergo coloratum. » (Wals. p. 281.)

  1. Le duc de Lancastre, ayant été soupçonné de trahison, écrivit à Richard, pour lui demander comment il devait se présenter devant lui afin de se disculper. Richard lui commanda de venir avec toute sa suite, et donna l’ordre à toutes les villes par lesquelles il devait passer de lui donner chacune une escorte et une espèce de garde d’honneur jusqu’à la ville voisine (Hollinshed).