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[1383]
CHRONIQUES DE J. FROISSART.

chacun sire en son lieu, et s’en revint le roi de France ; et le duc de Bourgogne demeura encore en Flandre un petit de-lez le comte, son grand seigneur, pour mettre ses besognes en bon point ; et se tenoient à Saint-Omer. Le sire de Torcy, Normand, et plusieurs autres chevaliers et écuyers de Ponthieu, de Vimeu et de Picardie entrèrent en Gravelines quand les Ànglois l’eurent laissée, et la remparèrent et fortifièrent très grandement, et en firent frontière contre la garnison de Calais ; et si se repeupla petit à petit le pays de Furnes, de Dunquerque, de Disquemne et de Neuf-Port, lesquels avoient tout perdu en celle saison ; mais ils se remirent à reconquérir de nouvel.


CHAPITRE CCXVI.


Comment messire Thomas Trivet et messire Guillaume Helmen furent prisonniers à Londres ; et comment trèves furent prises entre France et Angleterre. Et du trépas du duc de Brabant et du comte de Flandre.


Vous pouvez croire et devez savoir que le duc de Lancastre ne fut mie courroucé de cette armée de l’évêque de Norduich qui mal s’étoit portée et ainsi dérompue, car par eux avoit-il perdu son fait et son voyage en Espagne et en Portingal. Quand ces chevaliers d’Angleterre furent retournés ens ou pays, ils furent accueillis du commun ; et leur fut dit que mal ils s’étoient acquittés de leur voyage, quand, selon le bel commencement que ils avoient eu en Flandre, ils n’avoient conquis tout le pays ; et par espécial de ces amises et malveillances en étoient plus demandés messire Thomas Trivet et messire Guillaume Helmen que tous les autres ; car messire Hue de Cavrelée n’en étoit en rien demandé, ni du conseil du roi, ni du commun ; car on savoit bien, et avoit-on sçu, que, si on l’eût cru du commencement, ils eussent mieux exploité et à leur honneur que ils ne firent ; et leur mettoit-on sus que ils avoient vendu Bourbourch et Gravelines au roi de France. Dont toute l’Angleterre en fut émue sur eux ; et en furent en péril d’être morts. Si fut commandé, de par le roi, aux chevaliers dessus nommés, que ils allassent tenir prison au châtel de Londres ; et ils y allèrent. En ce temps que ils tinrent prison en Angleterre se rapaisa la besogne ; et quand ils furent délivrés ils s’obligèrent de demeurer en la volonté du roi et de son conseil.

Adonc furent mis traités avant pour prendre une trève entre les Anglois et les François, et étoient ceux de Gand en la trève ; dont grandement déplaisoit au comte de Flandre ; mais amender ne le pouvoit. Au département de Bourbourch demeura le duc de Bretagne de-lez le comte de Flandre son cousin, en la ville de Saint-Omer ; et eussent volontiers vu que une bonne paix ou unes longues trèves fussent adressées entre le roi de France, son naturel et droiturier seigneur, et le roi d’Angleterre ; et pour entamer celle matière il en avoit parlé à aucuns chevaliers d’Angleterre, le lundi que ils vinrent en la tente du roi de France devant Bourbourch. Lesquels chevaliers Anglois, à la prière du duc, s’en étoient chargés ; et avoient répondu que, eux venus en Angleterre, ils en parleroient au roi et à ses oncles et à leurs consaulx ; et pour mieux montrer que la besogne lui étoit plaisant, il envoya en Angleterre deux de ses chevaliers sur bonnes assurances, le seigneur de la Houssoye et le seigneur de Mailly ; lesquels exploitèrent si bien que le duc de Lancastre et le comte de Bouquinghen, son frère, l’évêque de Hartfort[1],

  1. Les traducteurs anglais disent l’évêque de Suffolk, mais la leçon de Froissart doit être préférée. On retrouve en effet le même évêque de Hereford désigné comme un des commissaires chargés de la paix dans un acte du 4 novembre 1383, rapporté par Rymer : voici la partie de cet acte nécessaire à l’éclaircissemet de notre sujet.

    De tractando cum adversario Franciæ.

    Le roy, à touz ceux qui cestes lettres verront ou orront, saluz.

    Savoir vous faisons que

    Come nous

    À l’onur et révérence de Dieu, désirantz nostre people mettre en pées et en tranquillité, et eschiver l’effusion du sank cristien, et les tresgrantz malz, qui sont avenuz et purront avenir, par les guerres qui sont meues et continuées par entre nous et nostre adversaire de France,

    Sumes enclinez et asseutuz au tretée de bonne pées, et accord par-entre nous et nostre dit adversaire,

    Et, par celle encheson, envoions, de présent, devers nostre ville de Caleys, et les parties de Picardie,

    Pur y assembler et treter ovesque les messages et députez de nostre dit adversaire,

    Nostre treschere uncle Johan roy de Castelle et de Lion duc de Lancastre : nostre treschere cousyn Henri comte de Derby : l’onurable piere en Dieu l’évesque de Hereford : nostre très chere frère Johan Holand : nos très cheres cousins, William de Beauchamp, et Thomas Percy : nos tres cheres et foialx, Johan sire de Cobeham, Johan Marmyon, et Johan Devereux, Banneretz ; noz amez clers, meistre Wauter Skirlawe, doctour en decrez et gardein de nostre prive seal, et mistre Johan Shepeye, dean de l’égiise de Nicole, doctour en