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LIVRE III.

messire Thomas Traiton[1], messire Hugues le Despensier, le sire de Willebile[2], le sire de Manne, le sire de Ware, le sire de Breston[3], messire Guillaume de Farincton[4], messire Jean d’Aubrecicourt, messire Hugues de Hastings, messire Thomas Vaucestre[5], messire Maubuin de Liniers, messire Louis de Rocestre[6], messire Jean Soustrée[7], messire Philippe Tirel, messire Jean Boulouffre[8], messire Robert Cliton[9], messire Nicolle Trinson[10], Huguelin de Cavrelée, David Houlegrave, Thomas Alerie, Hobequen de Beaucestre[11], et plusieurs autres, tous à pennons, sans les barons. Et étoient bien largement mille lances, chevaliers et escuyers, de bonnes gens, et deux mille archers et mille gros varlets. Si eurent beau temps et bon vent, car ce fut au mois de mai, que il fait bel et joli et qu’il vente à point. Et s’en vinrent cotoyant les îles de Wisque et de Grenesie, et tant que on les véoit bien tout à plein de Normandie, car ils étoient plus de deux cents voiles tout d’une vue. Si étoit grand’beauté de voir ces gallées courir par mer et d’approcher les terres garnies et armées de gens d’armes et d’archers et quérant les aventures, car on leur avoit dit que l’armée de Normandie étoit sur mer. Voirement y étoit-elle avant que ils se démontrassent sur les bandes de Quarentin ; mais ils sçurent, par leurs baleiniers et mariniers, que l’armée d’Angleterre venoit si se retrairent au hable de Harfleu.

Rien n’avient qui ne soit sçu, et espécialement de faits d’armes, car les seigneurs, chevaliers et escuyers en parlent volontiers l’un à l’autre. Quand la déconfiture ot été à Juberot du roi de Castille, où il prit si grand’perte, si comme ci-dessus vous avez ouï recorder, les nouvelles en vinrent en France, ce fut raison ; car ceux qui perdu y avoient leurs amis les plaignoient : or n’apparoient nulle part les armes, fors en Castille. Car on avoit bien ouï recorder comment le duc de Lancastre demandoit comme son bon droit l’héritage de Castille, et pour ce mettoit sur mer une grande armée de gens d’armes d’Angleterre, et étoit leur intention que celle armée se trairoit en Castille ou en Portingal et que sans faute il ne pouvoit demeurer qu’il n’y eût fait d’armes. Adonc, pour leur honneur et avancement, chevaliers et escuyers des basses marches se conceuillirent et parlèrent ensemble ; et envoyèrent les uns aux autres pour savoir par quel chemin ils se trairoient en Castille. Les plusieurs conseilloient que ils se missent à voie par terre, pour eschiver les périls de la mer et les fortunes et aussi les encontres que ils pouvoient avoir de la navie d’Angleterre, et les autres conseilloient que non, et que par terre le chemin étoit trop long ; et aussi le roi de Navarre n’étoit pas bien ami ni cher aux François, et aussi il ne les aimoit qu’un petit ; car il disoit, et voir étoit, qu’on lui avoit ôté tout son héritage en Normandie, mais je ne sais pas si la querelle étoit juste. Si se doutèrent les compagnons grandement des périls de la terre, tant pour le roi de Navarre que pour autres ; car à prendre leur tour et leur chemin parmi le royaume d’Arragon, ils n’en viendroient jamais à bout. Si considérèrent que ils viendroient en la ville de la Rochelle, ainsi comme ils firent, et là se mettroient en mer. Si armèrent dix-huit vaisseaux, et les firent charger de tout ce que pour leur corps appartenoit ; et planté de chevaux ne menèrent-ils pas.

Quand ils furent tout prêts et ils virent que ils avoient vent à volonté, si entrèrent ès vaisseaux, et se desancrèrent du hable, et se boutèrent en mer. Si singlèrent devers la mer de Bayonne ; par là ou assez près les convenoit-il passer. Là étoit le sire de Coursy, messire Jean de Hambuie, le vicomte de la Berlière, messire Pierre de Villainnes, messire Guy le Baveux, messire Jean de Chastel-Morant, le sire de Saint-Leger, messire Jacques de Surgières, le sire de Cousances, messire Tristan de la Gaille, le Barrois des Barres, et grand’foison d’autres, tant que ils étoient bien trois cens chevaliers et escuyers, toutes gens de élection et qui grande-

  1. Drayton.
  2. Willoughby.
  3. Preston.
  4. Farrington.
  5. Worcester.
  6. Rochester.
  7. Soutrey.
  8. Walworth.
  9. Clinton.
  10. Tresham.
  11. Pour redresser l’orthographe de ces noms, l’ai eu recours à la Chronique d’Hollinshed et à deux actes rapportés dans les Fædera de Rymer à l’année 1386, et intitulés : Pro comitiva regis Castellæ in viagio ad partes Ispaniæ. Les noms de près de trois cents chevaliers s’y trouvent rapportés.