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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

possession les gens du duc. Avecques tout ce, les chastels délivrés, il lui convenoit payer cent mille francs en deniers appareillés, et tant faire que il souffisist au duc.

Adonc furent les portes ouvertes du chastel ; et se départit et issit le seigneur de Beaumanoir dehors, chargé et ordonné de par le connétable d’accomplir toutes les ordonnances, et prié qu’il s’en délivrât au plutôt qu’il pourroit, et avecques lui issirent les gens du duc.

Ainsi par eux sçut-on à Vennes et sur le pays, qui se commençoit jà tout à émouvoir, que le connétable n’avoit garde de mort et que il étoit mis à finance. Toutes gens qui l’aimoient, chevaliers et écuyers, en furent réjouis ; et se retrairent de non venir avant, car vraiment ils disoient bien que, si ces secondes nouvelles ne fussent venues aux chevaliers et écuyers de Bretagne, ils fussent venus mettre le siége devant le chastel de l’Ermine et là eussent-ils enclos le duc ; ni ils ne furent oncques en aussi bonne volonté de faire chose comme ils eussent fait celle.

Vous savez que nouvelles sont tantôt volées partout ; elles vont avecques le vent. Les trois barons qui étoient à Harfleu ouïrent tantôt dire et certainement que le connétable n’avoit garde de mort, mais il en avoit été en grand péril et aventure ; et l’eût été pour certain, si son beau-frère, le sire de Laval, n’eût été et ne lui eût si grandement aidé. Et toutefois on ne le pouvoit avoir aidé que il ne convenist que le duc eût trois de ses chastels et une ville ; et avecques ce la somme et finance de cent mille francs.

Donc parlèrent-ils ensemble et dirent : « La chose va bien, puisqu’il n’y a point de mort. Toujours recouvrera bien le connétable finance et héritage ; le roi en a assez pour lui, si il en a besoin : c’est fait ; notre voyage est rompu ; nous pouvons bien partir d’ici et donner à nos gens congé et aller à Paris devers le roi pour apprendre des nouvelles. Car jà entendons-nous que tous ceux qui étoient ordonnés à passer et entrer en mer en la cité et au hâvre de Lautriguier sont contremandés ; ce n’est pas signe que on doive en celle saison aller nulle part. Et bien y a cause, car le connétable se pourchassera du dépit et dommage que on lui a fait. » Adonc donnèrent ces trois seigneurs congé à toutes manières de gens d’armes et d’arbalêtriers qui à Harfleu gisoient et à la navie aussi ; et eux-mêmes se départirent et se mirent à chemin pour venir à Paris où le roi de France étoit.

Le sire de Beaumanoir exploita tellement que sus quatre jours il eut mis en possession et saisine les gens au duc de Bretagne des chastels dessus nommés et de la ville de Jugon, tant que le duc de Bretagne s’en contenta bien. Après il fit tant que la finance des cent mille francs pour le rachat du connétable fut toute prête, et payée et mise là où le duc vouloit. Quand tout fut accompli, le sire de Laval dit au duc : « Monseigneur, vous ayez par devers vous tout ce que vous demandez, cent mille francs, la ville de Jugon, Chastel-Brouch, le Blaim et Chastel-Josselin ; or me délivrez beau-frère le connétable. » — « Volontiers, dit le duc ; il s’en voise, je lui donne congé. » Adonc fut délivré le connétable de France ; et se départirent lui et le sire de Laval de l’Ermine ; et se tinrent à très heureux quand ils furent hors du chastel et ils eurent la clef des champs. Le connétable ne fit pas moult grand séjour en Bretagne, mais monta

    et veil et octrie que s’il avenoit, que jà ne soit, moi venir au contraire, en privé ou en appert, ou en quelconque manière que ce peust être, que dez lors je sois reputé et eu pour faux et desloyal chevalier en tous lieux et places. En tesmoin des quelles choses, et afin qu’elles soient fermes et estables à toujours mais, je ai mis mon scel à ces lettres, avec les sceaux de mes dits parents et cousin le seigneur de Laval et de Vitré, le vicomte de Rohan, le sire de Montfort et de Chasteau-Brient, pour lui et pour le sire de Rieux et de Rochefort, à ma fermeté ; et fut fait et donné le 27e jour de juin l’an 1387.

    Je, Olivier sire de Cliçon et de Belleville, fais savoir à tous que, par la forme d’une composition et accordance faite entre mon très redoubté seigneur monsieur Jehan, duc de Bretaigne, comte de Montfort et de Richemont, d’une partie, et moi de l’autre partie, par laquelle accordance je devois rendre et mettre en la main de mon dit seigneur loyaument et de fait toutes les forteresses que je tenois en Bretaigne, par la manière et comme il est contenu ez lettres sur ce faictes, ez quelles mon scel est apposé, avec les sceaux de mes très chers frères le seigneur de Laval, le vicomte dé Rohan et autres de mes parens, je rendrai et ferai accomplir toutes les autres choses contenues en la dite accordance ; laquelle accordance je ay ferme et agréable, loue, approuve et ratifie, et promets en bonne foi, sous l’obligation de moi, de mes hoirs, et tous mes biens présents et futurs, et par le serment de mon corps, tenir, fournir et accomplir de point en point, selon le contenu d’icelles, sans jamais venir ne faire venir au contraire par moi ne par autres en aucune manière. Et en témoin de ce je ai donné ces présentes lettres scellées de mon propre scel. Ce fut fait et donné en ma ville de Moucontour le IV jour de juillet 1387.