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RÉDACTION PRIMITIVE

CHAPITRE CLVIII.

Or gisoit le roi Englès au mont Saint-Martin, mais messire Jehan de Haynnau, messire Henry de Flandres, le sire de Franquemont, messire Wautier de Maugny, le sire de Cuk, le sire de Botresem, le sire de Vosclère et messire Ernoul de Blanquenhem, à cinq cens lances de leur routte, coururent tout les pays environ et s’en vinrent devant le chastel de Honcourt ; et là eut ung très grant et fort assault qui dura près ung jour. Là estoient le sire de Honcourt, le sire d’Alaincourt, le sire de Walaincourt, le sire d’Estrumel, qui trop vaillamment se deffendirent ; et il leur fu bien mestier, car ils furent si près coitié qu’ils perdirent leurs bailles, et rampoient aux portes et aux murs. Là y eut trait et lanchiet durement, et moult de mors et de navrés. Si y morut ung bon chevalier Almant qui estoit de la routte monseigneur de Beaumont, appellé monseigneur Bernard, dont tous les bons compaignons furent moult courouchiés. Quant vint sur le vespre, le assault se retrait moult lassés à plenté de navrés ; et s’en y eut moult de mors. Si s’en revinrent logier vers Gouy en Aranaige ; et lendemain se desloga le roy Englès du mont Saint-Martin, et prist le chemin à aler vers Banelles l’abbaye, pour venir vers le mont Saint-Quentin. Et messire Jehan de Haynnau et leur routte chevaucèrent à par eulx en sus du roy. Si vinrent bouter les feux si près de Saint-Quentin, que les flamesques en voloient deseur la ville ; et passèrent la Somme deseure l’abbaye de Vermans. Si ardirent moult de pays de delà, qui estoit cras et plains de biens ; et se logèrent ung jour sur celle rivière ; et lendemain vinrent à Origny, et y livrèrent grant assault et dur. Ceulx de dedens se deffendirent tant qu’ils peurent ; mais ce ne fu gaires, et aussi ce n’estoit mie place à tenir ; et se n’y avoit que povres gens du pays. Si fu la ville et l’abbaye prinse, et les femmes violées par les Almans. Dont ce fu pités ! et messire Jehan de Haynnau en fu moult courouchiés, mais il ne le peut amender, nonobstant qu’il wardoit les églises à son pooir. Après ce que Origny fu destruite, cevaucèrent Englès le chemin de Tierace ; et vint le roy logier à Borgnies, attendant qu’il euist nouvelles du roy de France quel part il se trairoit ; car il avoit intention du combattre. Et adont se party le roy de France de Péronne, et s’en vint à Saint-Quentin, à si grant gent que le douzième partie ne peut dedens. Et disoit que, s’il plaisoit à Dieu, il combateroit le roy d’Engleterre. Dont se desloga le roy Englès de Borgnies, et s’en vint à Farvaques et vers Monstreul-les-dammes, et l’évesque de Nicolle, messire Regnault de Gobehem et pluiseurs de bons chevaliers, à deux cens lances et quatre cens archiers tout à cheval ; et passèrent Nise et entrèrent en le terre le seigneur de Couchy. Si ardirent le ville de Saint-Goubain, sans le forteresse, et tous les hamiaux d’environ ; et vinrent vers Oisy et vers Saint-Lambert ; si passèrent oultre jusques à Laon et firent en Laonois moult de destourbier ; puis vinrent à Crespy, qui estoit grosse ville sans fremure ; si le prirent, pillèrent et ardirent. Et d’aultre part messire Jehan de Haynnau, à tout deux cens lances, avoit pris le chemin de Marle ; si ardi tout, réservé le fort ; et ardy les vilages sur le rivière d’Oise. Dont puis s’en retourna, et rapassa Oise à Guise où madamme de Blois sa fille estoit ; mais pour ce ne laissa-il qu’il n’ardit tout, hors mis le fort et meismes les molins. D’autre part le sire de Franquemont chevauçoit à deux cens lances environ Ribemont ; et fist ens ou pays moult de dommage. Si s’en vint autour, costiant le grant ost qui aprochoit Buironfosse. Si sceut que les bons hommes de Nouvion en Tieraisse estoient retrais ès bos. Si en alèrent Almans cele part, et assalirent ceulx de Nouvion, grosse ville sans frémure, fors qu’ils l’avoient fortifié de barières et de hayes. Si se deffendirent tant qu’ils peurent ; mais ce ne fu pas longuement ; si furent pris et mort et pillié tout ce qu’il y avoit retrais. Ainsi fu tout le pays courus, ars et gastés.

CHAPITRE CLIX.

Le roy d’Engleterre en venoit bien, à quarante mille hommes armés, droit à la Flamengerie ; et se loga attendant le roi Phelippe, qui vistement le sievoit à bien cent mille hommes ; et toudis lui croissoit gens. Et tant esploita le roy de France qu’il vint à Buironfosse. Dont se logèrent seigneurs et toutes manières de gens ens ès beaux plains ; et le roy Englès estoit à le Cappelle et à le Flamengerie en Tieraice. Si n’avoit entre les deux os que deux petites lieuwes. Et en cele meisme nuyt vint le conte de Haynnau en l’ost de France, pour servir son oncle, à cinq cens hommes d’ar-